Critique – Rue des voleurs – Mathias Enard

Critique – Rue des voleurs – Mathias Enard


Il est assez rare que la littérature, en tout cas française, s’intéresse à l’actualité la plus récente.

En nous plongeant au cœur des événements du Printemps arabe, Mathias Enard nous prouve qu’aucun sujet romanesque n’est tabou.

Dans « Rue des voleurs », il est question d’un certain Lakhdar. Ce jeune Marocain est répudié par sa famille après avoir été surpris dans les bras de sa cousine, la douce Meryem. Commence alors pour lui des mois d’errance.

A Tanger, il vivote grâce à des petits boulots jusqu’à travailler dans une librairie tenue par des islamistes. Bassam, son ami, n’est pas insensible aux discours de ces « fous d’Allah ». Il ira même jusqu’à commettre l’irréparable. Mais Lakhdar est un garçon intelligent. Même s’il lit volontiers le Coran, il est insensible aux discours des extrémistes. Il préfère regarder les filles sur la plage et se nourrir de polars avec une prédilection pour Manchette et Izzo. Mais ce genre de nourriture ne suffit pas à remplir son estomac. Et Lakhdar rêve d’une autre vie, loin de l’Afrique. Après Algésiras, il se retrouve à Barcelone dans la fameuse Rue des Voleurs. Quelle déception ! Le mouvement des « indignés » déclenché par la crise financière et les sacrifices demandés à la population est comme un écho aux révoltes tunisienne et autres.

Et la fuite n’est pas la panacée pour donner un sens à son existence. « Petit à petit ma rage a grandi avec l’alcool, une rage désespérée, dans le vide et le bruissement d’un continent qui venait de perdre son sens, il ne me restait plus que cette chambre minable, toute la vie se résumait à cette piaule merdeuse, j’étais encore enfermé, il n’y avait rien à faire, rien, on ne se libérait jamais, on se heurtait toujours aux choses, aux murs ».

En se mettant dans la tête de Lakhdar, Mathias Enard nous offre un portrait psychologique puissant d’un jeune homme qui, par la force des choses, doit devenir autonome alors qu’il vit dans un monde qui bascule.

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