Critique – Vernon Subutex – 1- Virginie Despentes
Vernon, la cinquantaine, a tout perdu. Obligé de fermer son magasin de disques, pour cause de victoire du téléchargement gratuit, il touche le RSA et est finalement expulsé de son appartement. Ce solitaire va alors squatter les appartements de ses anciens « amis » et connaissances avec, dans sa besace, un enregistrement de feu Alex Bleach, un rocker qui livre son testament autobiographique. Cette confession intéresse, plutôt pour des raisons pécuniaires que par envie de rendre hommage à ce « génie » de la musique, l’entourage de Vernon et d’Alex.
Fils rouges de ce récit contemporain, les deux hommes sont l’occasion de croiser des personnages qui résument si bien notre société : Xavier, le haineux d’extrême-droite, scénariste raté et jaloux du succès des autres ; La Hyène, qui fait et défait les réputations sur les réseaux sociaux ; Pamela, star du porno ; Daniel, le transsexuel ; Patrice, le gros beauf qui frappe sa femme…
Entre sexe et défonce, rien ne nous est épargné. Virginie Despentes ne peut pas s’en empêcher. Cela fait partie du deal. En revanche, elle devient touchante lorsqu’elle évoque cette génération perdue, dont elle fait partie, qui n’a plus d’illusion, qui a oublié la signification du mot « amitié » et qui, à l’heure de Facebook, censé nous rassembler dans une vaste communauté, est profondément seule.
En bref, « Vernon Subutex », c’est un peu « La comédie humaine » du début du XXIème siècle. Deux autres volumes vont suivre pour boucler la trilogie. J’ai hâte de lire la suite de cet excellent, captivant et fort bien écrit roman empreint d’une grande mélancolie.
EXTRAITS
- « Mais les gens de cette génération avaient été élevés au rythme de la Voix dans la Maison des secrets : un monde dans lequel le téléphone pouvait sonner à n’importe quel moment pour te donner l’ordre de virer la moitié de tes collègues. Éliminer son prochain est la règle d’or de jeux dont on les a gavés au biberon. » (p. 11).
- « La vie se joue souvent en deux manches : dans un premier temps, elle t’endort en te faisant croire que tu gères, et sur la deuxième partie, quand elle te voit détendu et désarmé, elle repasse les plats et te défonce. » (p . 13).
- « Les jeunes meufs la dépriment souvent, avec leur look de mormones ou leur voile à la con. Quand c’est pas la religion c’est la famille ou comment arriver vierge au mariage… le niveau zéro du romanesque. On dirait qu’elles vont consacrer leur vie à faire des ragoûts et des tartes aux pommes. » (p. 186).
- « C’est pas la chatte qui fait la meuf. » (p. 297).
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