Critique – Mes philosophes – Edgar Morin – Germina

Critique – Mes philosophes – Edgar Morin – Germina


Revenir aux sources des philosophes, écrivains, poètes, scientifiques, fondateurs de spiritualités et musiciens qui ont façonné son « oeuvre », comme il définit en toute modestie sa pensée, est la gageure que s’est fixé Edgar Morin dans ce court texte publié en 2011.

Pour construire sa réflexion complexe et mesurée fondée sur la transdisciplinarité et l’idée qu’il n’y a pas de vérités absolues, il convoque :

  • Héraclite qui enseigna que la contradiction est un signe de vérité et « que tout ce qui est s’origine dans le mariage de l’harmonie et de la disharmonie. »
  • Bouddha et son idée de monde d’impermanence, « Samsara », qui n’est qu’apparence. « Nous vivons le monde à travers les projections de notre esprit et nous sommes conditionnés par l’illusion du Je. Il faut se libérer de cette illusion pour atteindre l’attitude d’éveillé ». Dans le bouddhisme, Morin souligne que le rapport à la mort est différent de celui des religions du salut occidentales.
  • Jésus pour son sens du pardon et sa compréhension de l’aveuglement humain.
  • Montaigne, le post-marrane, le judéo-gentil, dont l’oeuvre est empreinte d’humanité, de compassion et d’acceptation de la valeur des autres civilisations.
  • Descartes pour son cogito ergo sum.
  • Pascal qui considère que les concepts de foi et de doute ainsi que de raison et de religion sont à la fois conflictuels et complémentaires.
  • Spinoza pour son refus « de s’inscrire dans une religion révélée ».
  • Rousseau, peut-être le préféré de l’auteur, qui a « su comprendre l’uni-dualité humaine, de culture et de nature ». Edgar Morin se reconnaît dans ses états poétiques et quasi extatiques qui préfigurent le romantisme. En plein siècle des Lumières, Rousseau « montre que la raison, cultivée seule, a un caractère abstrait et inhumain ». A contrario, Voltaire « n’a pas compris les racines profondes du besoin religieux, du besoin de salut, du besoin de mythes ». Rousseau est aussi celui qui a stigmatisé la croyance en un progrès historique infini. Une position confortée par la montée des préoccupations écologiques qui remettent en cause « le rêve dément de conquête et de maîtrise de la nature formulé par Bacon, Descartes, Buffon, Marx… ».
  • Edgar Morin propose alors d’intégrer et de dépasser les Lumières en incorporant leur énergie critique tout en allant au- delà de leur rationalité abstraite.
  • Hegel et sa « ruse de la raison » qui constate que la raison se sert de processus en apparence irrationnels pour atteindre des objectifs rationnels et universels. Et de citer les conquêtes napoléoniennes qui ont permis de répandre les idées de la révolution française en Europe.
  • Marx, dans sa « version jeune », et ses concepts d’homme générique et de praxis. Cette dernière notion enjoint d’aller au-delà de l’interprétation du monde menée par les philosophes pour le transformer.
  • Dostoïevski et son idée de compassion pour la souffrance et la justesse de ses descriptions de l’homme dans ses dimensions indissociables de folie et de raison. Morin n’hésite pas à opposer la sécheresse rationaliste des auteurs français à l’humanité profonde des Russes… Il affirme que « les grands écrivains paraissent beaucoup plus capables que les philosophes de manifester ce sens de la complexité humaine ». J’approuve !
  • Proust qui « a étendu le royaume du dicible à la complexité infinie de notre vie subjective ».
  • Freud pour sa « magnifique formule « Wo da Es war, soll Ich werden » : là où Ca était, Je dois advenir ».
  • L’école de Francfort qui a stigmatisé la raison instrumentale.
  • Heidegger, Bergson, Bachelard, Piaget, les surréalistes… et Beethoven pour sa musique « foudroyante ».

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