Critique – Les Yeux de Mona – Thomas Schlessel – Albin Michel
« Maman, c’est tout noir ! » s’écrie Mona. Inquiets, Camille et Paul, ses parents, l’emmènent aux urgences de l’Hôtel-Dieu.
À peine arrivée à l’hôpital, l’enfant recouvre rapidement la vue.
Cet accident l’oblige à consulter un ponte de l’ophtalmologie qui ne décèle aucune cause physiologique à sa cécité et recommande un suivi par un pédopsychiatre.
Henry, le grand-père maternel adoré de Mona, est chargé d’emmener sa petite-fille chez le spécialiste.
Mais l’aïeul a une autre idée : lui faire découvrir, en se rendant au Louvre, à Orsay et à Beaubourg une fois par semaine, cinquante-deux œuvres d’art.
« Si, par malheur, Mona devenait aveugle à jamais, elle jouirait au moins d’une sorte de réservoir, au fond de son cerveau, où puiser des splendeurs visuelles » pense Dadé qui demande à sa petite-fille de garder le silence sur leurs escapades.
De la Renaissance italienne à la période contemporaine, de Botticelli à Pierre Soulages, Thomas Schlessel nous invite à une promenade au cœur de ce que l’humanité a produit de plus beau, de plus dérangeant, de plus énigmatique et de plus révélateur de son époque.
Chaque mercredi après-midi, la fillette commence par s’imprégner du tableau ou de la sculpture pendant plusieurs minutes car il faut « du temps pour pénétrer la profondeur de l’art ». Suit une description de l’œuvre puis une leçon de vie plus ou moins philosophique que le grand-père propose, un enseignement que Mona fera sien et dont, au fur et à mesure de la fréquentation des musées, elle sera à l’origine, son Dadé adoré se transformant en une espèce de Socrate virtuose de la maïeutique.
Parmi les cinquante-deux leçons de vie, on peut citer :
- « Souris à la vie » (La Joconde » de Léonard de Vinci) ;
- « Cultive le détachement » (« La Belle Jardinière » de Raphaël) ;
- « Fais confiance à l’imagination » (« Le Concert champêtre » du Titien) ;
- « Respecte les petites gens » (« La Bohémienne » de Frans Hals) ;
- « Connais-toi toi-même » (« Autoportrait » de Rembrandt) ;
- « Laisse les sentiments s’exprimer » (« Conversations dans un parc » de Gainsborough) ;
- « Abroge toute ségrégation » (« Portrait de Madeleine » de Marie-Guillemine Benoist) ;
- « Partout sont tapis les monstres » (« Nature morte avec des côtes et une tête d’agneau » de Goya) ;
- « Tout n’est que poussière » (de Turner) ;
- « Les morts sont parmi les vivants » (« Hommage à Delacroix » de Fantin-Latour) ;
- « L’animal est ton égal » (« Labourage nivernais » de Rosa Bonheur) ;
- « Less is more » (« L’Asperge d’Édouard Manet) ;
- « Tout fuit, tout passe » (« Gare Saint-Lazare » de Monet) ;
- « Il faut danser sa vie » (« Ballet » de Degas) ;
- « Fais parler ton intérieur » (« Repos » de Vilhelm Hammershøi) ;
- « Trouve le Spirituel en chaque chose » (« Le Cavalier bleu » de Vassily Kandinsky) ;
- « Mets le bazar partout » (« Porte-bouteilles » de Marcel Duchamp) ;
- « Autonomise-toi » (« Croix noire » de Malevitch) ;
- « Écoute ton inconscient » (« Le Modèle rouge » de Magritte) ;
- « Ce qui ne tue pas rend plus fort » (« The Frame » de Frida Kahlo) ;
- « Repars sans cesse de zéro » (« Proue noire » d’Anna-Eva Bergman) ;
- « Sache dire non » (« Precious liquids » de Louise Bourgeois).
Par la grâce de l’art et de ses rendez-vous chez le médecin qui pratique l’hypnose, l’enfant va se défaire de ses angoisses liées à un secret de famille.
En mêlant fiction et histoire de l’art, Thomas Schlessel a écrit un livre initiatique, une sorte de conte qui fait du bien sans tomber pour autant dans la mièvrerie.
Il souligne combien les œuvres d’art ont un pouvoir salvateur si on apprend à les regarder et non à les consommer.
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