Critique – Animal – Cyril Dion – Actes Sud
Hormis Trump et quelques entêtés, plus personne ne nie le réchauffement climatique et la destruction de la biodiversité.
Même en France, nos politiques se plaisent à apporter une touche écolo plus ou moins importante à leurs programmes. Histoire de séduire un électorat censé acquis aux causes environnementales.
En effet, le constat est alarmant. Quelques chiffres sont éloquents. Si la sixième extinction de masse qui suppose la disparition de 75% des espèces, n’a pas encore eu lieu, l’éradication des populations animales est inquiétante. Surtout depuis les cinquante dernières années.
Entre ceux qui font le minimum syndical sans avoir une vision globale des enjeux et les discours condescendants et culpabilisants des ayatollahs verts, Cyril Dion a opté pour un chemin médian et somme toute plutôt optimiste en dépassant le clivage stérile entre les tenants de la ligne « techno-extractiviste » et ceux qui privilégient la protection des écosystèmes. Au-delà de ces oppositions irréconciliables, il propose de revenir aux fondamentaux pour trouver « un nouvel équilibre entre les humains et le reste du vivant ».
C’est à la quête de solutions concrètes qu’il a parcouru le monde flanqué de Bella et Vipulan, deux adolescents engagés dans le combat écologique.
Entre états des lieux et réponses, les rencontres et interviews des acteurs concernés sont passionnantes.
On peut citer :
– Anthony Barnovsy qui rappelle que l’extinction des espèces a cinq causes majeures, toutes d’origine humaine : la destruction des habitats, la surexploitation des espèces, la pollution, les espèces invasives et le changement climatique.
– Paul François, l’agriculteur qui, empoisonné par un herbicide, s’est converti au bio et en constate les bienfaits chaque jour.
A contrario, son confrère Laurent Hélaine, à la tête d’un élevage intensif de lapins, avoue qu’il est piégé par un système « imposé par les coopératives ». Un témoignage poignant tant l’éleveur semble malheureux d’exercer un métier qui n’a pas de sens car il n’est qu’une course à la productivité.
Son ami Philippe Grégoire, passé en bio en 2015, dénonce les méfaits de l’agriculture industrielle qui enrichit toutes les filières sauf celle des paysans ! Selon lui, les « pouvoirs en place » ne sont pas intéressés par l’agriculture biologique qui « ne fait pas vivre les grandes industries ». Je ne suis pas tout à fait d’accord avec ce constat, l’industrie agroalimentaire et, à sa suite, la grande distribution, spécialisée ou pas, a su surfer sur la vague du « mieux manger ». Mais de quel bio s’agit-il ?
– L’ONG Bloom qui a fait du lobbying auprès des instances européennes pour interdire les pêches électriques et en eaux profondes.
– Eloi Laurent qui apporte son regard d’économiste pour proposer de sortir de l’opposition vaine entre croissance et décroissance et de « se concentrer sur le bien-être humain » qui passe, entre autres, par la santé. Il souligne aussi combien le capitalisme néoliberal dans lequel nous vivons et qui s’appuie sur l’impuissance du politique à réguler le marché est incompatible avec la préservation des écosystèmes. La solution est de trouver « un autre récit collectif que celui de la croissance » en s’inspirant, pourquoi pas, d’autres cultures dont le regard sur la nature, dont nous faisons partie, est différent. On peut penser aux Amérindiens ou encore aux aborigènes d’Australie.
– La ferme du Bec Hellouin et son modèle de permaculture qui montre que l’intervention de l’homme dans la réorganisation des écosystèmes peut être positive en proposant un remède aux besoins alimentaires des populations. « Sur 1 000 m2, on peut faire autant que sur 1 hectare avec des méthodes plus classiques » affirme Charles Hervé-Gruyer, l’un des fondateurs de cette exploitation d’un nouveau genre. Avec sa compagne Perrine, celui-ci ne fait pas partie de la catégorie des radicaux tels que les végans les plus extrémistes dont le positionnement conduirait à une exclusion de facto des animaux domestiques « de notre univers tout entier » comme le souligne pertinemment l’ingénieur agronome Hervé Léger.
– D’autres interventions telles que celle de Nicolas Vereecken combattent des idées reçues véhiculées par une certaine frange d’écolos faussement naïfs. Ce spécialiste des abeilles s’oppose ainsi à la généralisation de l’installation de ruches à la campagne et en ville qui favoriserait l’abeille domestique aux dépens de leurs homologues sauvages.
– Au plan juridique, le combat de Valérie Cabanes est exemplaire. Cette militante de l’Alliance mondiale pour les droits de la nature plaide en faveur d’un droit écocentrique en lieu et place d’une vision anthropocentrique.
Voilà quelques-unes des positions présentées dans cet essai foisonnant dont il émane des messages de confiance dans le futur.
Car, si le combat s’avère rude, tous les espoirs sont permis. Les comportements des individus, l’engagement des associations et les choix radicaux de certains états – on pense bien sûr au Costa Rica – en faveur de l’écologie commencent à influer sur le productivisme qui régit nos sociétés depuis des décennies. Tout passe par une modification de notre vision du monde dans lequel nous vivons et par la mobilisation active de tous. Quel beau défi !
Petit bémol à propos de cette lecture stimulante et essentielle : l’emploi de l’écriture inclusive qui, bien qu’utilisée avec parcimonie, est agaçant et illisible !
EXTRAIT
Une étude américaine aurait démontré que des enfants pouvaient reconnaître jusqu’à mille logos de marques mais moins de dix feuilles de végétaux de leur région.
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