Critique – Apaise le temps – Michel Quint – Phébus
Yvonne, la libraire de Roubaix, ville la plus pauvre de France, est morte. Elle a légué son bien à Abdel Duponchelle, un jeune professeur dont la double culture est tout entière contenue dans son prénom, algérien, et son nom, qui fleure bon le Français de souche…
En même temps qu’il découvre les dettes attachées à l’héritage, il tombe sur les archives de Georges, le père de la gérante. Elles lèvent le voile sur une page oubliée de l’histoire de la ville : celle où le FLN et le MNA se livrèrent une lutte fratricide pour le contrôle de leur pays. Négligés aussi furent les Harkis dont on évoque de temps à autre le calvaire pour mieux les oublier ensuite.
Abdel est confronté à un double défi : celui de faire vivre cette boutique nichée dans l’ombre de l’hôtel de ville et celui de gérer les violences surgies du passé pour apaiser le temps, les rancœurs, le racisme…
Hésitant dans ses choix de vie, il l’est aussi en amour, balançant entre Zita, l’ex-salariée d’Yvonne, et l’impétueuse Rita, assistante sociale dans le lycée où il enseigne.
Servi par une plume à la fois poétique et triviale, « Apaise le temps » est un joli texte sur la nécessité de tirer un trait sur un passé douloureux pour mieux avancer. Et c’est aussi grâce aux livres que le processus d’effacement des anciennes haines peut se faire (Georges, disait que les guerres sont finies et que les livres sont des amis communs à tous les hommes, des lieux où faire la paix.).
D’où l’importance de lutter contre l’illettrisme et de promouvoir ces lieux d’échange et de lumière que sont les librairies indépendantes.
EXTRAITS
- Yvonne a également hérité de l’officieux fonds social de son père qui partageait ses enthousiasmes de lecture avec les clients pour combattre l’analphabétisme, l’illettrisme, enchanter le monde et faciliter l’intégration des polacks, espingouins, portos, macaronis, niakoués, bicots et bougnoules. Oui monsieur faut pas avoir peur des mots, les gros faut les convoquer, les regarder en face et leur faire honte en public.
- Mais sa vraie patrie est ici, au creux de la librairie, blotti entre les bouquins comme une fleur séchée entre deux pages.
- (…) des auteurs importants, qui prennent le monde dans le filet des mots (…)
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