Critique – Cave 72 – Fann Attiki – JC Lattès
Fann Attiki n’est pas tendre avec la République du Congo.
Dans son premier roman, « Cave 72 », il dénonce la répression et la corruption qui gangrènent le pays où il a vu le jour.
À la tête de l’État, on trouve un Guide Providentiel autoritaire qui aspire, « comme tout bantu qui se respecte », à se maintenir au pouvoir.
Des bureaucrates, placés sous les ordres de celui-ci, sont prêts à tout pour garder leur poste et se faire bien voir… Y compris à inventer des opposants.
« Tes rapports pourraient mentionner au moins une menace contre son régime, aussi infime et ridicule soit-elle » suggère un conseiller du Guide Providentiel au Directeur Général de la Sécurité Territoriale, ajoutant, à l’intention de son interlocuteur, avec une bonne dose d’immoralité, : « ton honnêteté est perçue (…) comme une incompétence ».
Et ce sont trois jeunes gens, transformés en ennemis virtuels, qui vont faire les frais du complot.
Clients assidus de la « Cave 72 », bistrot tenu par une certaine Maman Nationale, les vingtenaires refont le monde pour oublier un quotidien peu folichon.
Brandissant l’anticonformisme comme un étendard, ils se plaignent de leurs années universitaires et du manque d’éthique des enseignants tout en se gargarisant de leur supériorité. « Ce pays ne mérite pas notre intelligence » assène-t-il avec une morgue teinté de résignation.
Au chômage, parce qu’ils n’ont pas terminé leur cursus universitaire et qu’ils ne sont « ni les fils, ni les neveux de personne » , ils palabrent autour d’un verre de bière tout en matant les formes des passantes.
Dans une langue imagée et truculente, où les couleurs et les odeurs sont à la fête, et un humour un brin fataliste que seuls les ressortissants de nos anciennes colonies, avec la richesse de leur expression francophone, pratiquent avec perfection (je pense bien évidemment à Alain Mabanckou, compatriote de l’auteur), Fann Attiki dézingue avec jouissance la prévarication et le cynisme d’un système politique qui se moque des règles démocratiques et qui est perverti par les mirages du pouvoir ainsi que par l’appât du gain. Mais le Congo ne se résume pas à ses hommes politiques. Il est aussi un pays énergique dont les habitants font preuve d’une grande capacité d’adaptation et de résilience. En particulier la jeunesse qui trouvera peut-être le salut dans la culture. Malgré le chaos, la vie continue, plus ou moins dans la joie et la bonne humeur !
Dommage que la construction de ce premier roman à l’écriture savoureuse soit un brin fouillis !
Ce roman fait partie de la sélection 2022 du Prix Premières Paroles.
EXTRAITS
- Il sait que nous autres nous lui mangeons dans la main juste parce qu’il y a du riz.
- On ne saurait rendre un coup d’État authentique si le trouble n’est pas associé à une jeunesse en colère.
- Son physique rappelait que la nature comptait aussi des échecs de fabrication.
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