Critique – Gracier la bête – Gabrielle Massat – Le Masque

Critique – Gracier la bête – Gabrielle Massat – Le Masque


Après avoir enfilé des semaines de soixante heures, travaillé vingt-quatre heures d’affilée sans une minute de repos pour gérer seul une vingtaine de mineurs excités, Till, éducateur spécialisé dans un foyer d’accueil d’urgence, « dernier rempart avant le chaos », craque. Et c’est Audrey, la plus exaspérante et insaisissable des ados, qui va écoper du pétage de plomb de l’adulte.

Après avoir été malmenée, la gamine s’enfuit. Till part à sa poursuite et retrouve son corps dans un fossé. Elle a été percutée par une voiture et est admise en réanimation et plongée dans un coma artificiel.

Tous les jours, Till se rend à l’hôpital. Pour se racheter, il part à la recherche de la mère d’Audrey, mère qui l’a abandonnée deux ans après sa naissance l’obligeant à errer de famille d’accueil en famille d’accueil, à chaque fois renvoyée pour son comportement agressif.

Sa génitrice, seul lien qui la rattache à son passé, est devenue une obsession pour l’enfant en quête de racines.

Quant à Till, mis à pied pour fautes graves, il a du temps pour mener ses investigations.

Le travailleur social se transforme en limier et met les pieds dans le milieu interlope des trafiquants de drogue dans lequel les « petites mains » ont intérêt à filer droit et à ne pas trahir…

Au-delà de l’intrigue policière bien menée, Gabrielle Massat nous fait découvrir les coulisses d’un monde, celui de l’ASE, dont on parle peu parce qu’il ne rapporte rien, qu’il coûte à la collectivité et que les enfants ne votent pas.

Et pourtant ! Faute de moyens et de personnels qualifiés en nombre suffisant, les mineurs maltraités sont bien les laissés-pour-compte silencieux de la société, société qui, ensuite, doit payer les conséquences en matière de pauvreté, de psychiatrie et de délinquance.

Un immense gâchis qu’incarnent Audrey, l’enfant broyée ; Till, l’homme qui, en aidant celle-ci, veut réparer un acte lâche qu’il a commis lorsqu’il était adolescent ; la formidable et courageuse Anya, une quinquagénaire pédopsychiatre amie de Till qui ouvre ses portes à tous les fracassés de la vie, et Gaëtan, ancien gamin placé devenu flic à Albi dont l’ascension sociale masque les blessures de jeunesse et les carences affectives.

« Vous avez peur de nouer des liens avec nous, comme si on allait vous contaminer » reproche-t-il à Till. Tout est dit.

+ There are no comments

Add yours