Critique – L’Oiseau des Français – Yasmina Liassine – Sabine Wespieser

Critique – L’Oiseau des Français – Yasmina Liassine – Sabine Wespieser


Quarante ans après avoir quitté le pays où elle a vu le jour d’un père algérien et d’une mère française, Yasmina Liassine nous offre une expérience singulière en quête des liens qui uniraient encore ses deux patries de cœur. Malgré les rancœurs et les haines. Malgré les « événements », un euphémisme pour ne pas parler de guerre, et l’indépendance acquise en 1962.

Pour illustrer les différences, en apparence irréconciliables entre les deux peuples, l’autrice utilise la métaphore de « l’oiseau des Français », cette dinde, volatile éminemment gaulois, consommée à Noël par les occupants et méprisée par les autochtones.

Sa voix dessine par petites touches le portrait d’une Algérie dont la vérité historique est bien éloignée du récit national imposé par les gouvernements qui se sont succédé après une parenthèse enchantée qui n’aurait duré que trois ans après les accords d’Évian.

Comme les envahisseurs l’ont fait avant eux en francisant les noms des rues et des monuments, les nationalistes ont cherché à effacer cent trente ans d’histoire. Les islamistes ont pris le relais avec encore davantage de violence en remplaçant la patrie par la religion, en substituant le musulman à l’Algérien.

Et ce sont paradoxalement les femmes, que les hommes assignent à résidence et qu’ils couvrent de voiles pour cacher leurs corps tentateurs, qui forment un pont entre le passé et le présent.

La nourriture, leur domaine réservé, est l’un de ces fils qui relient les communautés. Dans les cuisines cohabitent en effet le makroud et la tarte au citron meringuée, le couscous et le pot-au-feu, le batata fliou et les frites…

Avec ce récit tout en nuances, Yasmina Liassine esquisse les contours d’une « identité partagée » par les deux peuples, dont les mariages mixtes sont les symboles puissants.

Un témoignage intelligent et subtil.

EXTRAITS

  • Les islamistes disent qu’être un vrai Algérien, c’est être tout sauf un Algérien, mais un musulman et uniquement cela.
  • L’enfance, c’était le temps de l’éternel présent, saturé de sensations et d’impressions.

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