Critique – L’ordinateur du paradis – Benoît Duteurtre

Critique – L’ordinateur du paradis – Benoît Duteurtre


L’œuvre de Benoît Duteurtre oscille entre, d’une part, la nostalgie du passé et d’une jeunesse perdue (cf. « Les pieds dans l’eau », « L’été 76 ») et, d’autre part, la dénonciation des travers de nos sociétés modernes (« Service clientèle », « Chemins de fer »).

Dans « L’ordinateur du paradis », il s’attaque à la tentation de la transparence à tout prix.

Rapporteur de la commission des libertés publiques, Simon Laroche doit intervenir à la radio pour apporter son avis sur un projet de pénalisation des images pornographiques défendu, entre autres, par les féministes.

« La cause des femmes ! La cause des gays ! J’en ai marre de ces agités qui s’excitent pour des combats déjà gagnés » déclare-t-il d’emblée à la journaliste en charge de l’interview, croyant qu’il n’est pas encore enregistré.

Ce coup de gueule sous forme de boutade déclenche une levée de boucliers des associations et des insultes bien senties sur les réseaux sociaux.

Et avec Le Grand Dérèglement, Simon n’est pas tiré d’affaire. Ce bug à l’échelle mondiale qui envoie des messages à des personnes alors qu’ils ne leur étaient pas destinés va provoquer un chaos indescriptible avec des révélations sur les adultères, les tromperies et les mensonges. Simon, qui surfe à l’occasion sur un site pornographique pour mater la belle Natacha, ne se sent pas très à l’aise.

Parallèlement à ce récit terrestre, Benoît Duteurtre nous emmène au paradis à la rencontre d’un homme (Simon ou pas ?) qui attend patiemment le jugement dernier. Et, à choisir, on préférerait aller en enfer !

Farce tragi-comique, « L’ordinateur du paradis » stigmatise la frontière de plus en plus ténue entre vie privée et vie publique et la volonté de tout connaître et de tout dévoiler. Ce constat est d’autant plus alarmant que les données que les Google et autres Facebook emmagasinent sur nous sont quasiment impossibles à effacer. Quand on y pense, ça fait froid dans le dos. Enfin, rappelons que la transparence poussée à son extrême limite engendre la dictature.

EXTRAITS

  • « Contrairement à la confession catholique qui remet à zéro le compteur de nos péchés, la foi dans l’effacement des données n’était qu’une illusion. » (p. 58).
  • « Le capitalisme a tout gagné ; mais notre époque a également recyclé le pire du communisme : s’exposer sans tabou, sur Facebook ou à la télé ; se fustiger publiquement à la moindre faute. » (p. 132).

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