
Critique – Pas d’ici – Espérance Garçonnat -Rivages
La raison pour laquelle le narrateur qui n’a pas de nom, sauf celui de Pezzetino (petit morceau) dont on l’a affublé, débarque à Fermagina, village retiré d’une île italienne, on ne le saura pas formellement, même s’il semble craindre d’être retrouvé.
De son passé de globe-trotteur professionnel, on ne retiendra que quelques bribes venues d’Afrique et « l’odeur moite de la sueur des hommes » qu’il a voulue fuir. Tous ses souvenirs, il veut les effacer de sa mémoire.
De ses projets d’avenir, on saura juste qu’il n’en a pas.
Il est là pour savourer le présent : observer les habitants du village, dont beaucoup sont venus d’ailleurs, les autres étant pêcheurs ; glisser ses doigts dans le sable ; contempler la pulpeuse Manuela ; faire office de professeur auprès du petit frère de celle-ci ; parler de tout et de rien chez Armando, le bistroquet de la Place, poumon de la bourgade ; se balader en compagnie de Lucio et de son rire « trop fort ».
À Fermagina, où les paroles et les gestes du quotidien emplissent la journée, où les petits riens vous enchantent, où le temps s’écoule sereinement loin de la frénésie de l’ailleurs, il perçoit enfin qu’il est quelque part et qu’il revit peu à peu à la vie.
Servi par une écriture fine, délicate et précise où le sensoriel et la sensualité sont des exhausteurs de l’existence, où les non-dits éteignent les traces de l’avant pour mieux savourer le moment présent, « Pas d’ici » est un roman d’atmosphère dont la lecture exige de céder à sa petite musique ensorcelante.
Si on s’y abandonne, l’expérience est délicieuse par la douce étrangeté qu’elle diffuse.
EXTRAITS
- Le rythme inchangé que prend ici la vie fait dissoudre la nostalgie et les regrets.
- On peut vivre longtemps à la périphérie de soi-même, à la circonférence de ses rêves.
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