Critique – Premier sang – Amélie Nothomb – Albin Michel
Près de dix ans que je n’avais pas ouvert un roman d’Amélie Nothomb, toujours un peu déçue par le décalage entre l’imagination débordante de la Belge et sa traduction littéraire.
Après l’avoir écoutée, toujours avec plaisir, dans différents médias et avoir entendu et lu des critiques plutôt louangeuses sur son dernier opus (y compris sur « Le masque et la plume » habituellement plutôt imperméable à son travail), j’ai décidé de sauter le pas.
Amélie Nothomb a souvent puisé dans sa propre vie pour alimenter sa prolifique production (« Le sabotage amoureux », « Stupeur et tremblements », « Biographie de la faim », « Ni d’Eve, ni d’Adam », « La nostalgie heureuse »). Cette fois-ci elle se glisse dans la peau de son père Patrick Nothomb décédé en mars 2020. Pourquoi pas ? Dans « Soif », elle avait exprimé les supposés états d’âme du Christ en employant la première personne du singulier !
Patrick Nothomb est connu pour avoir, alors qu’il était jeune consul de Belgique au Congo, négocié pendant quatre mois avec des révolutionnaires preneurs d’otages dont il était. Le taiseux fut alors obligé de se livrer à la tradition du palabre. Son comportement courageux aurait permis de sauver des centaines de personnes.
Le roman s’ouvre sur une scène forte : le narrateur est conduit devant le peloton d’exécution, une expérience qui le rapproche de Dostoïevski ! Nous le retrouverons dans cette mauvaise posture à la fin du récit
En attendant, Amélie Nothomb nous ramène à l’enfance du héros malgré lui. Orphelin de père à huit mois, il est élevé par ses grands-parents, sa mère adorée, accablée par le chagrin de la perte de son mari, s’avérant incapable d’élever son fils.
Pour l’aguerrir, l’aïeul de la branche maternelle l’envoie chez le grand-père paternel passer les vacances d’été. Il débarque dans un château perdu dans la forêt ardennaise où vit le patriarche flanqué d’une épouse beaucoup plus jeune que lui et d’une ribambelle d’enfants. Très affable en apparence, le poète ruiné, narcissique et mégalomane se révèle être maltraitant avec ses enfants qu’il laisse littéralement mourir de faim. Chez les Nothomb règne le « darwinisme pur et dur ». Paradoxalement, le petit Patrick se complaît dans cette ambiance qui prend les allures d’un conte où le personnage principal se construit en affrontant des épreuves.
En redonnant, par le biais de la littérature, la vie à son père disparu, Amélie Nothomb lui rend un hommage qui m’a peu touchée.
L’écriture est certes fluide et on ne s’ennuie pas une seconde à la lecture de « Premier sang ». Mais l’auteure semble une nouvelle fois avoir gâché son talent par un excès de légèreté.
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