Critique – Sciences de la vie – Joy Sorman – Seuil

Critique – Sciences de la vie – Joy Sorman – Seuil


Avec « Comme une bête » et « La peau de l’ours », Joy Sorman mène une réflexion originale sur notre rapport au corps et à l’apparence. Elle la poursuit avec son dernier roman « Sciences de la vie ».

Depuis le XVIème siècle (rappelons à l’éditeur que le Moyen Age se termine en 1492 avec la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb), les filles aînées de la famille de Ninon Moise sont maudites, marquées « depuis toujours du sceau de l’infamie et de l’infection ». Pendant toute son enfance, Ninon a été « bercée » par les histoires insensées sur ses aïeules que lui racontait sa mère Esther qui souffre d’achromatopsie c’est-à-dire une absence de vision des couleurs. Bref, elle voit la vie en noir et blanc.

A l’âge de 17 ans, Ninon est frappée par un étrange mal : une intolérable sensation de brûlure sur ses bras que les experts diagnostiquent comme allodynie tactile dynamique. Se refusant de céder à la fatalité d’un destin tout tracé, elle consulte toutes sortes de médecins, de psys et même de chamans. Rien n’y fait, le supplice poursuit son œuvre. Les paradis artificiels ne font qu’apaiser quelques instants la torture qu’elle compare à la musique, à la peinture de Francis Bacon ou encore à la météo marine avec ses hectopascals… Mais cette infirmité peut être aussi une chance parce qu’elle forge une part de son identité, qu’elle se sent parfois une élue ou encore une super-héroïne qui élargit « le champ de ses perceptions ».

Dans une écriture fluide, Joy Sorman nous emporte dans son exaltation et arrive à nous faire partager la souffrance de son personnage. Il se dégage aussi une certaine poésie, et parfois de l’humour, de la litanie des cas qui ont frappé toutes ces femmes : transe, démence, hallucinations, fureurs utérines…

EXTRAITS

  • La douleur a fait naître en Ninon un fantasme de corps sans esprit, le rêve d’une matière sans âme, le désir de n’être qu’un assemblage de chair, de nerfs et d’os, car seule la chair serait digne de confiance (…) ».
  • On dit qu’il faut y croire pour que la magie noire opère mais n’est-ce pas à force d’accomplir les rituels religieux que l’on finit pas avoir la foi ?

+ There are no comments

Add yours