Critique – Trois fois la fin du monde – Sophie Divry – Noir sur Blanc

Critique – Trois fois la fin du monde – Sophie Divry – Noir sur Blanc


Le dernier roman de l’auteur de « La condition pavillonnaire » commence comme un livre de voyou et se poursuit comme un récit digne du genre « nature writing ».

Joseph Kamal, un jeune gars sans problèmes, tombe pour un braquage raté dans lequel son frère trouve la mort. Jeté en prison, il découvre le milieu carcéral et son lot d’humiliations et de violences de la part des caïds. Alors que les gardiens détournent le regard voire participent aux lynchages, Joseph sent monter en lui un sentiment jamais ressenti avant : la haine contre un univers où règne en toute impunité la loi du plus fort.

A la faveur d’une explosion nucléaire qui provoque la disparition d’une partie de l’humanité, Joseph se réfugie dans une ferme abandonnée du Sud de la France. Isolé dans cette tour d’ivoire, il apprend à utiliser la nature pour survivre et à apprivoiser des animaux plus ou moins sauvages pour s’extraire de cette thébaïde parfois pesante qui souligne combien la solitude est accablante et combien l’homme est un animal social.

Il vit alors au rythme des saisons, loin du rythme trépidant et finalement vain de son existence d’avant la catastrophe. Une autre histoire s’écrit pour lui, plus authentique, plus respectueuse et plus à l’écoute de la nature. En se débarrassant des scories pollueuses du quotidien, il vise l’essentiel.

Avec une justesse de ton, Sophie Divry, qui louvoie avec talent entre le trivial et le poétique, a concocté un roman post-apocalytptique à la fois drôle et grave sur un homme simple qui apprend à vivre.

EXTRAITS

  • La Miche est un enfant du béton, il porte sur ses épaules une lourde suite de malheurs qui, régulièrement, l’accablent à en devenir fou. C’est de la misère plein la gueule, plein la gueule de rage et de pulsion meurtrière.
  • Mais c’est toujours la même violence que nous recommençons et dans laquelle se continue la même fatalité, celle qui assigne les plus forts à l’exercice du mal et les plus faibles à endurer ce mal avec une servilité que je trouve plus répugnante encore.
  • Et vos villes aux rues remplies de médisance, villes où les pauvres se recroquevillaient, où les mères vivaient le cœur intranquille et les riches jamais rassasiés, vos villes et tous ceux qui s’y trouvent, tous les cœurs, les bons et les fourbes : désertées.
  • Ils sont tous des rescapés de quelque chose, ils sont devenus des sentinelles vers autre chose. Ensemble ils essaient de recommencer une autre histoire.
  • A force de vivre comme dans un rêve et de simplifier à l’extrême son univers, il franchit certaines barrières invisibles, et des lois nouvelles commencent à régner entre les objets et les êtres vivants.
  • Maintenant il a ses potagers. Il a une place dans ce causse. Une place comme jamais il n’en a eu auparavant.
  • Combien de siècles sans crime faudra-t-il pour que s’abolisse la peur de l’homme ?

+ There are no comments

Add yours