Critique – Requiem pour un émeutier. La naissance d’un tiers monde de l’éducation – Christian Cogné
Psychorééducateur de formation, écrivain, spécialiste de la Grèce contemporaine, passionné de théâtre, toujours enseignant en lycée professionnel, Chritian Cogné est un être à part. Refusant de trancher le débat qui oppose les « républicains » aux « pédagogues » (il cite aussi bien Jean-Paul Brighelli que Philippe Meirieu), il nous apporte un témoignage saisissant sur l’univers des lycées professionnels, peuplés d’élèves en échec scolaire, incapables de saisir le sens d’un texte, de communiquer avec l’autre (leur vocabulaire étant tellement pauvre), parfois agressifs, voire très violents.
Il stigmatise les incuries de l’Education Nationale qui n’investit pas suffisamment dans ces structures mais aussi l’administration et la plupart des professeurs qui ne pensent qu’à une chose : fuir ces endroits anxyogènes, abandonnés par la société.
En rapportant l’exemple d’un LP de Senlis, il montre aussi que la misère intellectuelle et culturelle n’est pas que l’apanage des banlieues.
Avec humour (lire page 51 et suivantes dans lesquelles il se moque des Johnny et Teddy : « un prénom ne présage pas un comportement, bien entendu : n’empêche »), il décrit toute l’énergie qu’il a déployée pour essayer de les sortir de leur condition, de leur faire découvrir de belles choses (cf. le voyage en Grèce, l’atelier théâtre…). Selon l’auteur, l’Education Nationale considère que les disciplines artistiques sont inutiles. En effet, pourquoi former des citoyens qui pensent ? Il est préférable d’avoir des ouvriers bien disciplinés, abreuvés d’une culture de masse stéréotypée.
Certains, une minorité, s’en sortent, les autres, l’immense majorité, sont définitivement cassés. « Il est à craindre qu’un jour un Florian Zeller ou un Marc Lévy ne remplace Albert Camus dans le cœur des moutons de Panurge » écrit-il page 190. Il est tellement plus facile de céder à la facilité.
Christian Cogné, dans ce livre-témoignage très bien écrit, nous confronte à ce gâchis humain. Nous, les bien nantis, dont les enfants sont en lycée général et briguent une école de commerce, nous nous sentons forcément un peu responsables de l’échec de tout un système.
Extrait : « La poésie n’est plus qu’une fantaisie pour rêveur alors qu’elle est un instrument de la conquête du réel. C’est notre réalité qui n’est plus réelle, si je puis m’exprimer ainsi… (p. 229).
Vous devez être connecté(e) pour rédiger un commentaire.
+ There are no comments
Add yours