Critique – Yeruldelgger – Ian Manook
Depuis quelques années, la littérature policière hexagonale sort de ses frontières franco-françaises. Avec Caril Férey, on voyage en Australie (« Utu »), en Nouvelle-Zélande (« Haka »), en Afrique du Sud (« Zulu ») ou encore en Argentine (« Mapuche »). Grâce à Olivier Truc, on embarque pour la Laponie avec « Le dernier Lapon » et « Le détroit du loup ».
Un petit nouveau vient de rejoindre ces auteurs qui inscrivent leurs intrigues en terre étrangère.
Ian Manook, de son vrai nom Patrick Manoukian, nous emmène en Asie à la rencontre du commissaire Yeruldelgger, un homme brisé par la mort de sa fille et par le départ de sa femme qui a sombré dans la folie.
Que nous évoque la Mongolie ? Des paysages arides peuplés de nomades qui pratiquent le chamanisme en toute quiétude ? Si les traditions perdurent, le pays est aussi marqué par la modernité dont sa capitale tentaculaire, Oulan-Bator, en est l’exemple le plus criant avec son lot de corruption, de flics ripoux, de prostitution, de misère…
Au tout début du roman, au fin fond de la steppe, Yeruldelgger déterre le corps sans vie d’une enfant décédée cinq ans plus tôt. Confronté au massacre de l’innocence, il pète les plombs et décide de tout mettre en œuvre pour retrouver les coupables. Quitte à utiliser des méthodes peu orthodoxes. Parallèlement, la grande ville est secouée par la découverte de trois Chinois émasculés et de deux filles de joie bonnes pour la morgue. Notre flic a décidément du pain sur la planche. Et ses enquêtes vont lui donner du fil à retordre avec les bâtons dans les roues que lui mettent Mickey, son supérieur hiérarchique, et l’inspecteur Chuluum.
Heureusement, il y a son adjointe, la très belle Oyun, Solongo, la douce médecin légiste qu’il va apprendre à aimer, et le très débrouillard Gantulga, un gamin de la rue auquel on ne peut que s’attacher.
Avec une dose de folklore (dans le bon sens du terme) dépaysant, des rebondissements multiples, quelques recettes de cuisine peu ragoutantes à base de marmottes, un soupçon de bouddhisme qui va ramener Yeruldelgger à la raison, et les ficelles propres au genre littéraire, ce livre, sur fond de magouilles de multinationales avides d’exploiter les richesses minières du pays et de résurgence de mouvements nazis, est un polar de bonne facture qui nous apprend beaucoup sur l’état de la patrie de Gengis Khan. Il est vrai que l’auteur, comme il le confiait récemment à la Foire du livre de Brive, y a passé un bon moment avec toute sa petite famille et on sent qu’il est très attaché à ce pays bourré de contradictions.
Quelques longueurs m’empêchent de lui décerner 5 étoiles mais j’attends avec impatience la suite des aventures du policier mongol.
EXTRAITS
- « Il ne croyait pas à grand-chose, sinon à la paix des âmes ». (p. 17).
- « Yeruldelgger ressentit une sorte de bonheur à appartenir à ce pays où on bénissait les voyageurs aux quatre vents et où on nommait les cercueils du même mot que les berceaux. Une sorte de bonheur ». (p. 22).
- En parlant de Gengis Khan : « Celui qui avait fait détruire deux mille mosquées de Perse et d’Iran, avec leurs milliers de livres et de parchemins inestimables . » (p. 62).
- « C’était une grande tendance mongole de croire que ce qu’on ignore n’existe pas . » (p. 93).
- « Les vieux avaient été des nomades fiers et libres, enivrés du parfum des steppes immenses, et le cœur d’Oyun se serra en imaginant que les gamins n’auraient comme souvenirs d’enfance que la puanteur et les ténèbres du tunnel. » (p. 97).
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