C’est à un vaste sujet que s’empare Laurent Gaudé avec « Écoutez nos défaites ». En déclinant une réflexion sur la guerre sur plusieurs périodes, l’auteur s’interroge sur le sens de la victoire et de la défaite.

Ce questionnement passe par la « mise en scène » d’une guerre impériale (Hannibal contre l’Empire romain), d’une guerre civile (Grant contre les Confédérés) et d’une guerre coloniale (Haïlé Sélassié contre l’Italie fasciste). Plus près de nous, au Moyen Orient, les « hommes en noir » sévissent en semant la terreur et en détruisant toutes traces du passé.

Cette période plus contemporaine est incarnée par trois personnages de fiction : Assem, un tueur de la République qui doute de ses missions et, peu à peu, s’affranchit de la violence pour aller vers la liberté, Mariam, une archéologue, qui tente vainement de sauver des objets de valeur, et Sullivan, l’un des membres du commando qui élimina Ben Laden.

La convocation de plusieurs époques et les allers et retours incessants entre elles peut perturber le lecteur dans un premier temps mais c’est un procédé qui permet de souligner que l’état de guerre est permanent et que, dans ces conditions, la victoire et la défaite n’ont plus vraiment de signification.

Dense, exigeant, « Écoutez nos défaites » est une lecture qui vous rend plus intelligent et plus apte à comprendre le monde qui nous entoure.

EXTRAITS

• Ne laissez pas le monde vous voler les mots
• Cette lutte qui semble si vaine, préserver des objets quand le monde tout entier brûle et se déchire, cette lutte, vouée à la défaite sûrement, qui cherche à arracher du néant ce qui, immanquablement, y retournera.
• Il veut se souvenir des viscères qui se mêlent au vent de l’été car si l’Histoire a un parfum, c’est celui-là.
• Ils avalent l’antique, condamnent au néant des sites qui avaient vu mourir l’Empire romain, qui avaient accompagné la naissance et la mort de pays, de civilisations.
• Mais où est la victoire lorsque tout continue sans cesse ? Y en a-t-il eu une seule fois dans toute sa vie d’opérations ? Une victoire qui clôturerait vraiment un état de guerre, et construirait la paix ?