Critique – Ce pays qui te ressemble – Tobie Nathan – Stock
C’est en 1925 dans le ghetto juif du Caire que naît Zohar, l’hyperactif débrouillard et chanceux qui se révélera doué pour les affaires, surtout illégales.
Son père, le sage Motty, est aveugle. Sa mère, Esther, est tellement fantasque et dotée de dons divinatoires que certains la prennent pour une sorcière possédée par le Malin. Incapable de nourrir son enfant, elle fait appel à Jinane, une musulmane, elle-même maman d’une petite Masreya, future danseuse ensorcelante qui envoûtera la gent masculine égyptienne et, en premier chef, son frère de lait dont l’enfance a été bercée par les poèmes du Cantique des Cantiques scandés par son géniteur.
Dans « Ce pays qui te ressemble », Tobie Nathan nous raconte trente ans d’histoire de son pays natal. Protectorat britannique, l’Egypte devient indépendante en 1922. Malgré cette souveraineté déclarée, la présence anglaise est omniprésente dans cette contrée qui devient alors un royaume dirigé par Fouad 1er. Farouk, son fils dont l’auteur nous dresse un portrait peu élogieux, lui succède en 1936. Bon vivant, kleptomane, corrompu, amateur de femmes, jouant le jeu des puissances de l’Axe contre les Alliés, il est déchu lors d’un coup d’état militaire fomenté par Nasser et Naguib.
Alors que les différentes communautés religieuses vivaient en bonne entente (le tableau n’est-il pas un peu idyllique ?), l’emprise des Frères musulmans s’affirme. Son radicalisme est incarné par Nino, l’ami de Zohar, qui passe de l’insouciance à la pratique d’une doctrine mortifère qui s’incarne dans le djihad.
Conte oriental s’enracinant dans un vingtième siècle tourmenté, ce roman empreint d’humour est aussi une ode à l’érotisme et au sexe dit faible qui, grâce à ses charmes et ses sortilèges, possède un pouvoir insoupçonné sur une société dominée par les hommes. N’en déplaise aux féministes !
EXTRAITS
- Nous vivons près des Arabes comme un homme vivrait près de son foie. Leur Coran contient nos histoires et notre bouche est emplie de leur langue. Pourquoi ne sont-ils pas nous ? Pourquoi ne sommes-nous pas eux ?
- Je suis né de ça… au pays des pharaons, d’une mère possédée par les diables et d’un père aveugle. Que pouvais-je faire entre ces deux-là qui s’aimaient d’une passion infinie ?
- Comment savoir ce qui est réellement important chez les Juifs d’Egypte, qui ont adopté la blague, la nokta, pour philosophie fondamentale ?
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