Critique – La race des orphelins – Oscar Lalo – Belfond
« Je m’appelle Hildegard Müller ». Ou peut-être pas car la conteuse de « La race des orphelins » n’a ni identité ni racines.
Pour éclairer ce passé qu’elle ignore, l’analphabète fait appel à un écrivain qu’elle appelle le scribe.
Au crépuscule de sa vie, elle a 76 ans, elle éprouve le besoin de dire à ses enfants d’où ils viennent et c’est en français, l’allemand étant « une langue qui a été torturée par les nazis », qu’elle construit ce qui deviendra une espèce de journal, probablement en référence à celui d’Anne Frank, figure qui revient souvent dans le récit.
Hildegard est née « probablement en 1943 » dans un Lebensborn (« fontaine de vie »), un établissement qui accueillait des enfants nés de la copulation entre des femmes de type aryen et des SS. Ces bébés « purs », conçus de manière quasi industrielle, étaient abandonnés par leurs parents biologiques pour constituer la future élite du Reich de mille ans.
Elle ne sait rien de ses ascendants, les documents ayant été brûlés par les vaincus en 1945, et c’est ce néant, ce vide, ce silence qui sont terribles. Sous le prétexte que les pères de ces quelque 20 000 enfants étaient nazis, leur existence a été presque tue et peu de recherches leur ont été consacrées. Comme si, au lieu d’être considérés comme des victimes, ces gamins étaient responsables de leur sort.
Par la voix de sa narratrice, l’auteur n’hésite pas à faire le parallèle entre leur destin et celui des enfants juifs dont les parents sont morts dans les camps d’extermination et qui, au moins, connaissent leurs origines. Une mince consolation…
Les Lebensborn étaient tellement peu considérés comme des victimes qu’aucun des dignitaires ce ce programme d’aryanisation n’a été condamné !
Dans un style épuré (« ces phrases courtes qui en disent long ») composé de brefs chapitres, « La race des orphelins » résonne comme une mélopée plaintive où la parole est un exutoire et permet une forme de renaissance ou tout simplement de naissance. Glaçant.
EXTRAITS
- Etre nés parfaits nous a cassés.
- A la banalité du mal répond, parfois, la singularité du bien.
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