Critique – Portrait du baron d’Handrax – Bernard Quiriny – Rivages
Si le baron de Bernard Quiriny n’est pas perché, il est tout aussi original que son prédécesseur, si intelligemment croqué par Italo Calvino.
Entiché d’un peintre sobrement nommé Henri Mouquin d’Handrax, le narrateur se rend dans une petite ville de l’Allier sur les traces de l’artiste.
Il y rencontre l’un des descendants de ce dernier. Rentier de son état, Archibald a tout le loisir de se consacrer à des « activités » toutes plus insolites les unes que les autres : la bigamie avec une épouse officielle et une femme employée comme servante ; la fréquentation d’un collège religieux pour « retomber en enfance » ; l’organisation de « dîners de têtes » au cours desquelles des sosies de personnages connus se rencontrent ; l’entraînement de ses fils à « renifler les morts », un jeu qui consiste à « découvrir le plus de cadavres ignorés » ; son côté « en même temps » qui considère que toutes les doctrines politiques contiennent une part de vérité ; sa propension, certains jours, « à ne s’exprimer que par questions » pour laisser la parole aux autres ; son talent pour écrire des livres qu’il ne termine jamais sur des sujets évidemment décalés ; son affection pour Bartleby, le « héros » de Melville ; son goût pour les plaisanteries ; ses insomnies récurrentes qui lui donnent des envies de suicide…
Malgré ses excès, on regrette que cet homme ne soit qu’un être de fiction tellement on aurait souhaité faire sa connaissance et nouer avec ce personnage généreux des liens d’amitié. Comme l’a fait le narrateur, subjugué par la douce folie de son complice.
En nous embarquant dans le monde fantasque du baron, le facétieux Bernard Quiriny a composé un récit rythmé par des chapitres courts, sortes de tranches de vie qui attestent de son talent de nouvelliste. Le style est délicieux et soutenu (ah ! quel régal que le passé simple !). Les dialogues sont savoureux.
Si on s’amuse beaucoup, on est aussi ému par ce drôle de bougre, nostalgique d’un passé où l’homme vivait à l’état de nature et qui trouve, grâce à son insatiable curiosité, à son hyperactivité et à son sens de la dérision, des moyens de repousser l’inéluctable mort.
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