Critique – Si peu – Marco Lodoli – P.O.L

Critique – Si peu – Marco Lodoli – P.O.L


À Torre Mauro, quartier de la périphérie de Rome, la concierge d’un lycée s’éprend de Matteo, un professeur qui aura à peine un regard pour celle dont le cœur battra pour lui pendant près de quarante ans.

Ce sont ces quatre décennies que nous raconte Marco Lodoli à la première personne et en remontant le temps.

Abnégation, dévotion, sacrifice, sacerdoce, aucun vocable n’est assez fort pour décrire la vie de cette nonne laïque envoûtée par l’allure adolescente, le sourire juvénile, les cheveux en bataille et l’air un peu perdu du jeune homme qui vieillit en même temps qu’elle sans que les signes de flétrissement ne freine son adoration à distance.

Et c’est précisément cette distance, on pourrait dire plus trivialement cette non-consommation, entre la femme et l’objet de son idolâtrie qui explique la persistance d’une passion suffisante à nourrir une existence et à lui donner un sens.

Celle qui n’a pas de prénom se transforme en un ange gardien et en un être éthéré et pur.

Ce qui ressemble à une mission apparaîtrait vaine pour le commun des mortels. C’est ce que lui dit une « amie » qui lit dans les lignes de la main : « Il n’y a pas de vie dans ta paume, elle est absolument vide ».

En à peine cent cinquante pages, avec des mots ordinaires pour mieux exprimer les états d’âme de ce cœur simple qui n’attend rien de Matteo, sans fioritures, avec un art habile de l’ellipse et une grande finesse psychologique, Marco Lodoli évoque une facette du sentiment amoureux, cellle qui vise l’absolu.

Au-delà de la description de cette ferveur secrète quasi fanatique, l’écrivain italien souligne le poids des différences sociales qui interdit à une modeste employée de déclarer sa flamme à un homme lettré.

C’est à la fois effrayant et fascinant.

EXTRAITS

  • Il n’y a que la pureté qui peut préserver la vie de la misère des hommes et des femmes, la protéger de l’ordure du monde.
  • J’étais heureuse comme j’étais, sans espoir, parce que tout espoir est prétention.
  • Personne ne peut me dire le contraire, que j’ai vécu en vain.

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