
Critique – Premier avril – Frédéric Ploussard – Héloïse d’Ormesson
Si « la raison est souvent entre le rire et la colère » (Rivarol), Pierre, le narrateur du troisième roman de Frédéric Ploussard, est assurément raisonnable.
Depuis qu’Anne, son épouse de 42 ans, est décédée d’un cancer qui l’a consumée en quelques mois, il doit apprendre à vivre sans elle.
Histoire d’assurer pour ses jeunes enfants, Achille et Diane, pour lui et, surtout, pour elle dont l’humour et la fantaisie que son métier d’infirmière anesthésiste à l’hôpital d’Aubenas avait exacerbés, confrontée qu’elle avait été à des patients en situation rocambolesque…
Après avoir été licencié du foyer dans lequel il était éducateur spécialisé, lui libérant du temps pour soutenir Anne dans son combat contre la maladie, il y est réintégré à la suite d’une décision des prud’hommes jugeant son renvoi par le directeur de l’institution abusif. La faute invoquée était d’avoir accueilli chez lui un ado en fugue. La vraie raison était que Pierre avait pointé du doigt les malversations de son patron.
Organisé en courts chapitres, « Premier avril » fait des va-et-vient dans le temps : l’avant et ses moments d’insouciance ; le pendant et la confrontation au crabe avec son lot de chimios et de douleurs, période où l’abattement succède à l’espoir ; l’après et la vie sans Anne avec le besoin d’entretenir son souvenir « pour que tout ne disparaisse pas avec sa disparition. »
À partir d’une expérience qu’il a vécue, Frédéric Ploussard réussit le tour de force, en dépit de la tristesse qui l’accable, de ne jamais sombrer dans la mièvrerie.
Bien que l’issue soit connue, le récit n’est jamais plombant. Car l’auteur de « Mobylette » (2021), son premier et épatant roman qui se déroulait aussi dans le monde de l’aide sociale à l’enfance pour en souligner les dysfonctionnements, manie la dérision et la plaisanterie comme personne.
Malgré l’émotion qui affleure, on s’amuse beaucoup avec Pierre qui fait de chaque jour un premier avril et de ses ennemis, les oncologues dénués d’humanité, les lèche-culs et les escrocs, des objets de vengeance et de défoulement.
Comme l’écrivait Victor Hugo, « l’éclat de rire est la dernière ressource de la rage et du désespoir. »
EXTRAIT
– Terrible est la mort, cocasse est la vie.
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