Critique – Bakhita – Véronique Olmi – Albin Michel

Critique – Bakhita – Véronique Olmi – Albin Michel


Pour écrire son dernier roman, Véronique Olmi s’est inspirée de la « Storia Meravigliosa », récit de la vie de Bakhita publié en 1931.

Tout commence en 1876. Celle qui deviendra en 2000 la première sainte soudanaise par décision de Jean-Paul II a alors 7 ans lorsqu’elle elle est enlevée alors qu’elle mène une existence paisible auprès de ses parents et de ses sœurs. Elle devient esclave et, avant que le consul d’Italie ne décide de l’emmener dans son pays, elle est vendue cinq fois. Avec une ironie malsaine, ses tortionnaires l’appellent Bakhita, la « chanceuse », elle qui a oublié son propre nom dans le périple qui l’emporte vers Khartoum. Pour supporter les violences et les humiliations, elle répète une comptine – « Quand les enfants naissent de la lionne… » – et une phrase – « Je ne lâche pas ta main » – comme des mantras qui vont l’aider à survivre.

Arrivée sur la Péninsule, elle rencontre Stefano, un homme bon avec « la foi du charbonnier » chevillée au corps, qui lui fera découvrir Dieu, un Dieu qu’elle connaissait peut-être déjà sous la forme d’une « main chaude » qui l’a aidée dans le désert.

L’Europe est une déception car « la pauvreté est la même partout ». Toujours elle œuvrera pour soulager ceux qui vivent dans la misère et ceux qui souffrent. Elle est accueillie à Venise par des sœurs canossiennes. Elle sera baptisée après avoir subi un exorcisme (!) et sera utilisée comme VRP du catholicisme pour un tour d’Italie où la foule, mue par une curiosité malsaine, se pressera pour voir la négresse.

Dans un style alternant phrases courtes et plus longues où les ponctuations donnent du rythme et du lyrisme au récit, Véronique Olmi offre, en dehors de tout pathos, un magnifique et touchant portrait d’une femme qui reste une énigme pour ses contemporains. A la fois obéissante et forte, Bakhita est l’incarnation de la bienveillance et de la résilience.

Quelle leçon de vie !

EXTRAITS

– Elle a cette capacité à s’imaginer ailleurs, s’échapper d’un corps qui appartient à tous, pour vivre sa vie secrète.

– Ce visage qui s’affine, ce corps qui grandit dans cette maison aux esprits furieux, c’est un grand malheur, comme un arbre dans le mauvais champ.

– Mais Bakhita n’a pas besoin qu’on lui parle du bien et du mal. Elle connaît cette bataille par cœur et bien vite elle comprend que le monde est un seul monde. La mer entre le Soudan et l’Italie n’est pas une séparation. Ce sont des retrouvailles. Tout est pareil. Et les hommes souffrent.

– Quand on a mal. Quand on a faim. On n’aime plus. On n’en a plus la force, elle le sait. Alors elle nourrit les blessés pour qu’ils retrouvent en même temps que le goût du pain celui de la vie.

– Elle comprend que Venise l’a sauvée parce que Venise appartient à la mer, c’est une terre de flux et de reflux, de réfugiés et de marchands, de « mélangés » et de rêveurs, une ville où elle s’est sentie chez elle, attirée et intriguée par les chants de l’aube que psalmodiaient les sœurs derrière un rideau de velours.

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