Critique – Au loin – Hernan Diaz – Delcourt littérature
Ce géant sauvage, on l’appelle le Hawk (le faucon).
Connu comme le loup blanc dans une bonne partie de ce vaste territoire situé à l’ouest des Etats-Unis, Hakan de son vrai nom est né en Suède dans le premier tiers du 19ème siècle. Les parents, trop pauvres, décident d’envoyer leurs deux fils tenter leur chance aux Etats-Unis. A Plymouth, le chemin des frères se sépare. Débarqué en Californie, Hakan va tenter de rejoindre Linus censé arriver à New York. A l’inverse des migrants qui se ruent vers l’Ouest, l’Eldorado, il voyage vers l’Est. Et son périple est semé de rencontres, belles ou néfastes, qui vont l’aider à devenir une bonne personne capable de démêler le bien du mal et de faire justice dans un pays où seule règne la loi du plus fort. Entre des Irlandais fou d’or au sens littéral, une tenancière de saloon peu ragoûtante qui le séquestre et en fait un jouet sexuel, un scientifique adepte de l’évolutionnisme, des Amérindiens massacrés par les colons blanc, un pervers narcissique, des Soldats de Jéhu, miliciens du prophète, un shérif féroce qui l’exhibe comme une bête de foire, un homme qui va lui sauver la vie et qui deviendra son ami, Hakan va être confronté au pire et au meilleur de l’humanité.
Victime de rumeurs sur son compte, il va devenir une légende admirée par certains, craintes par d’autres.
Finaliste du Prix Pulitzer et lauréat du Prix Page/America 2018, Hernan Diaz a écrit un premier roman puissant, sorte de western à rebours, qui met en scène un personnage mi-enfant sauvage, mi-démiurge qui, confronté à une nature souvent hostile qu’il va apprendre à apprivoiser, va vivre une existence extraordinaire mais finalement bien solitaire, impuissant qu’il est de trouver sa place dans un monde si souvent hypocrite et cruel.
« Au loin » est un très joli roman porté par une écriture visuelle où les dialogues, peu nombreux, laissent la place à la force évocatrice des images. Nul doute qu’il devrait inspirer un cinéaste talentueux pour réaliser, pourquoi pas, un film muet.
EXTRAITS
- Les entrailles du lièvre disséqué rendent fidèlement compte de la totalité du monde. Et parce que le lièvre est tout, il est également nous. Une fois cette merveilleuse concordance connue et observée, l’homme ne peut plus regarder son environnement comme une simple surface où sont éparpillés des objets et des créatures d’une nature étrangère à la sienne, uniquement reliés à lui par l’utilité qu’il en a.
- Il savait qu’il avait tué et mutilé plusieurs hommes, mais ce qui demeurait le plus vif dans son esprit, c’était le chagrin et le sentiment d’absurdité qui avaient accompagné chacun de ses actes.
- Hakan s’était toujours déplacé pour s’éloigner du passé, jamais pour aller à la rencontre du futur. Il était demeuré dans un présent perpétuel, laissant derrière lui des gens et des paysages, sans jamais se diriger vers une destination plus ou moins précise qu’il pouvait se figurer.
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