Critique – James – Percival Everett – L’Olivier

Critique – James – Percival Everett – L’Olivier


Avec « James », Percival Everett a tenté une réécriture des « Aventures de Huckleberry Finn » de Mark Twain en mettant au centre du récit l’esclave Jim-James qui en est le conteur.

Barbara Kingsolver s’est essayée récemment à la pratique de l’adaptation avec le magnifique « On m’appelle Demon Copperhead » qui réinterprétait le « David Copperfield » de Dickens à notre époque.

Quel est alors l’intérêt de ce pastiche ?

En donnant la parole à la victime, Perceval Everett entend mieux dénoncer la violence systémique des États-Unis, mais il aurait pu inventer des personnages sans nécessairement se référer à celui qui est considéré comme le père du roman américain moderne comme l’ont fait brillamment Colson Whitehead (« Underground Railroad », 2017), Nathan Harris (« La Douceur de l’eau », 2022) ou encore James Mc Bride (« L’Oiseau du bon Dieu », 2015).

La victime n’est pas le bon petit nègre tel qu’il a été si souvent dépeint dans la littérature et le septième art, mais un homme lettré qui sait lire, écrire, parle « normalement », comme les Blancs, si tant est que ceux-ci s’expriment correctement, et est visité par des philosophes, tels que Voltaire ou encore John Locke qui ont pensé l’esclavage.

Durant ses pérégrinations, Jim, flanqué de son ami Huck, va poursuivre son observation des Blancs dans une Amérique d’avant la guerre de Sécession qui ne se déclenchera qu’à la toute fin du roman.

Au-delà de la critique de l’esclavage, « James », par la voix de son narrateur, se moque ouvertement des Blancs et de leurs préjugés stupides et s’interroge sur l’identité des Noirs.

Qu’est-ce qu’être Noir dans une société racialisée où une partie de la population en possède une autre ?

Par une pirouette que l’auteur affectionne, un spectacle de blackface est mis en scène. Jim est enrôlé par une troupe de musiciens blancs qui se griment en Noirs pour s’en moquer et amuser le public. Il passe alors pour un Blanc maquillé en Noir. Grâce à cette ruse, c’est lui qui berne le public !

Tout est du même acabit dans cet exercice de style réjouissant qui plonge le lecteur au cœur de l’un des épisodes les plus sombres de l’histoire états-unienne, tout en suivant un homme, libre dans sa tête, en quête de son émancipation.

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