
Critique – Le Bleu est la couleur la plus rare – Sarah Schmidt – Rivages
Une femme s’échappe d’une maison, son enfant dans les bras. Eleanor fuit la violence de son mari qui vient de hurler : « si tu t’en vas, je te bute ».
« Le Bleu est la couleur la plus rare » commence comme un thriller, mais il est bien plus que cela.
Eleanor est la fille de Kitty. Celle-ci a épousé George juste avant qu’il ne parte combattre en Europe.
À son retour, il n’est plus le même.
Kitty oscille alors entre des sentiments contradictoires : le souvenir de l’amour, l’incompréhension, le dégoût…
La mort de leur fils aîné qu’elle vénérait va finir de détruire sa santé mentale.
Incinéré, Badger repose désormais dans une urne qu’elle promène partout et à laquelle elle parle.
Enceinte d’Eleanor au moment de l’accident, Kitty, une fois de plus, hésite entre l’amour qu’elle doit à cette enfant et la haine pour celle qui a remplacé le défunt.
Entre une mère hystérique et un père hanté par les cauchemars de la guerre, Eleanor ne trouve pas sa place. Elle se contente, pour prouver son affection à ses parents, d’être une petite fille obéissante, alors qu’elle vit en permanence dans la peur des crises de sa mère et de devenir, à mesure qu’elle grandit, comme elle.
Elle trouve refuge dans l’observation de la nature et en particulier des oiseaux, symboles d’une liberté inaccessible pour la pauvre humaine qu’elle est.
Dans une construction alternant le passé et le présent, « Le Bleu est la couleur la plus rare » est un récit déchirant et intense sur la maternité et sur la transmission familiale, en particulier celle de la violence.
Les monologues intérieurs, toujours en décalage avec les déclarations des personnages, nous révèlent davantage sur la vérité de ceux-ci et la vérité est souvent effrayante.
Le tour de force de l’autrice australienne, qui signe ici son second roman, est de nous faire sentir avec sauvagerie et férocité, jusque physiquement, plutôt que de nous expliquer, nous envahissant ainsi de noirceur et de désespoir.
Du grand art et un roman qui ne peut laisser indifférent !
EXTRAITS
- Les premières années ont ceci de dangereux qu’elles entretiennent l’illusion que vous pouvez revendiquer votre enfant tout entier, car l’enfant n’existerait pas sans vous.
- Amy, je cois que le prix qu’on paie quand on vit dans la peur n’est pas de ne pas pouvoir être nous-mêmes – mais de ne pas laisser les autres voir ce que nous sommes vraiment. La peur nous dépouille de notre humanité.
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