Critique – Bartabas, roman – Jérôme Garcin – Gallimard
Après « D’un cheval l’autre », j’ai eu envie de relire « Bartabas, roman », le livre que Jérôme Garcin a écrit en 2004 sur son ami.
Contrairement au premier qui rend hommage aux chevaux qui ont marqué sa vie et qui ont fait de lui l’être qu’il est devenu, l’auteur de « La chute de cheval » se penche sur le parcours de l’énigmatique écuyer à travers ses compagnons à quatre jambes bien sûr mais aussi via les humains qui ont contribué à faire de ses spectacles de purs moments de grâce.
« Ce n’est pas un hasard s’il n’est jamais entré en scène à pied. Sans son allié et son double, il est gauche, paralysé. Le théâtre équestre, ce n’est pas un choix, c’est une nécessité » écrit Jérôme Garcin, soulignant la vocation naturelle de Bartabas pour l’art à cheval. Comme l’albatros de Baudelaire si maladroit quand il ne vole pas, le cavalier paraît empoté quand il a les pieds sur terre.
« Il façonne avec ses mains fortes et graciles de la splendeur éphémère » poursuit-il à propos de celui qui ne crie jamais avec les chevaux mais à qui il arrive de gueuler en compagnie des hommes.
C’est à l’origine les courses qui le passionnaient mais un terrible accident de mobylette lui brisa les deux jambes et lui explosa le pied gauche.
Adieu la griserie de la vitesse, place à la lenteur. Bartabas confirme : « Plus je vais lentement pour dresser un cheval, plus je gagne du temps ».
Après avoir fréquenté une école de mime, il croise le Théâtre emporté puis le cirque Aligre. Clément Marty devient Bartabas le Furieux. Mais ses premières amours lui manquent. Il achète Hidalgo. Le théâtre Zingaro n’est plus très loin. Au bout du rouleau, au bord de la folie, la création de la compagnie va le sauver. Les chevaux, souvent achetés par hasard, se suivent, les spectacles aussi. Les spectateurs sont souvent déconcertés par sa démarche visant la pureté du geste et son sens du sacré. Il devient presque un chamane, celui qui considère que le cheval permet d’atteindre l’extase c’est-à-dire de sortir de soi-même.
Si l’homme est taciturne, il ne tergiverse pas. Et ses décisions sont parfois radicales. A la mort de Zingaro, son magnifique frison, il met à la retraite tous les chevaux qu’il montait et crée « Triptyk » en 2000. Puis vient l’aventure de l’Académie équestre de Versailles.
Nous sommes en 2020, seize ans après la publication du livre de Jérôme Garcin. Bartabas, toujours debout, mène de front Zingaro et Versailles. Aubervilliers et le Roi-Soleil. Bartabas a décidément plusieurs visages et il reste une énigme.
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