Critique – Blizzard – Marie Vingtras – L’Olivier

Critique – Blizzard – Marie Vingtras – L’Olivier


« Je l’ai perdu » culpabilise Bess après avoir lâché la main de l’enfant alors que le blizzard fait rage.Et ce n’est pas la première fois qu’elle éprouve ce sentiment de ne pas être à la hauteur !

Pourquoi la jeune femme au comportement erratique a-t-elle emmené l’enfant comme pour le soustraire à un danger ?

Et, plus largement, que fait-elle dans ce bout de terre situé au nord-ouest du Canada réputé pour ses longs hivers glacés ? Qui l’a conduit dans ce trou paumé peuplé de quelques hommes qui, eux aussi, ont des fêlures et des secrets pas toujours avouables ? Pourquoi habite-t-elle chez Benedict, le père putatif de l’enfant disparu ?

Le mystère de sa présence va s’éclaircir tout au long des 200 pages du récit.

Maniant avec une grande maîtrise la construction polyphonique, Marie Vingtras donne la parole à ceux qui partent à la recherche du garçon. La narration à la première personne est un parti pris permettant d’être au plus près des personnages et de leur intimité. C’est en assemblant les pièces du puzzle, disséminées tout au long des témoignages, que le lecteur aura une vision globale des enjeux portés par les personnages et découvrir que, dans ce monde de mâles naturellement dominants, la force n’est pas forcément là où on le pense…

Hormis Bess et Benedict, ce sont Cole et Freeman qui mènent la danse.

  • Bess : d’emblée, on sait qu’elle se sent responsable de l’assassinat de sa sœur. Elle est une « tête brûlée sur un corps de fille ».
  • Benedict est le bon fils qui est resté auprès de ses parents alors que son frère Thomas a pris la tangente. Il est l’archétype du taiseux au cœur tendre.
  • Cole est le méchant de service raciste et misogyne, et un modèle de perversité.
  • Freeman est un Africain-Américain, vétéran du Vietnam. Tout porte à croire que l’Alaska est, pour lui, une bonne planque, un moyen de se faire oublier…

Au fur et à mesure que la quête s’intensifie, la tension monte jusqu’à la finale salvatrice.

Avec « Blizzard », Marie Vingtras a composé un premier roman très réussi dans la veine du genre « nature writing » où l’environnement, malgré ses conditions extrêmes et grâce à son isolement, fait office de cocon protecteur et aussi de révélateur de la vérité, aussi effrayante soit elle…

Aux côtés des thèmes éternels de la culpabilité et de la rédemption, elle offre, en creux et par la voix de Benedict, une réflexion sur la paternité.

Qu’est-ce qu’un père ? Celui dont le sang coule dans vos veines ou celui qui vous a éduqué dans l’amour ? Malgré ses maladresses…

Ce roman fait partie de la sélection 2022 du Prix Premières Paroles.

EXTRAITS

  • Il n’a pas réussi à survivre en ville alors que c’est une autre sorte de bataille qui s’y livre.
  • Qu’est-ce que j’ai à lui offrir à part des paysages désolés et de la neige à n’en plus finir ?

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