Critique – Jacaranda – Gaël Faye – Grasset

Critique – Jacaranda – Gaël Faye – Grasset


Trente ans après le génocide des Tutsis et huit ans après « Petit pays », son premier roman, Gaël Faye sort « Jacaranda » dont le Rwanda est de nouveau la toile de fond.

C’est par les informations télévisées françaises que Milan, un petit métis de onze ans, apprend le massacre d’une partie de la population dans le pays où sa mère est née.

De cette contrée « aux mille collines », le garçon ne sait rien. Sa mère ne l’évoque jamais, comme si elle avait fait « tabula rasa » de son passé. D’une manière générale, Venancia parle peu à son fils qui implore pourtant un signe de sa part.

Le quasi-mutisme maternel se poursuit lorsqu’un petit garçon noir prénommé Claude fait irruption dans la famille.

La mère présente comme étant son neveu cet enfant au crâne marqué d’une effrayante balafre. Lui aussi est un taiseux et ses nuits sont peuplées de cauchemars. Pourtant, un lien indéfectible se nouera entre les deux gamins.

Malgré sa soif d’en savoir davantage sur ses origines, c’est sans entrain que Milan accompagne sa mère dans son pays natal où elle n’était pas revenue depuis vingt-cinq ans.

Nous sommes en 1998 et, pour Milan, c’est le choc. La saleté, les odeurs, la poussière l’assaillent.

Le bouleversement se poursuit lorsqu’il rencontre sa Mamie, incarnation « d’une filiation aux mille ramifications ».

D’autres rencontres auront lieu avec des personnages forts qui lèveront peu à peu le voile sur les tourments du Rwanda dont il va appréhender la complexité et reconnaître que ce pays fait partie de ses racines au même titre que la France.

On pense bien sûr à Tante Eusébie, l’exacte opposée de Venancia, qui a compris le pouvoir libératoire et consolateur de la parole.

En élargissant la focale qui permet de passer de l’intime au général, Gaël Faye raconte un siècle d’histoire, rappelant la faute originelle des colons qui ont « inventé » des races pour mieux les opposer.

Ce sont les prémices de l’ethnocide à venir.

« Jacaranda » interroge aussi l’après-génocide : comment vivre auprès de ceux qui ont exterminé toute votre famille ? Pourquoi le traumatisme se transmet-il aux générations nées après 1994 ?

Dans une écriture fluide qui n’occulte pas la violence des exactions commises par les Hutus, Gaël Faye, avec sensibilité, intelligence et justesse, participe à la compréhension du plus grand génocide du 20e siècle après la Shoah.

EXTRAITS

  • J’étais une attraction, le fruit étrange d’un tortueux arbre généalogique.
  • Les civils ne savent pas que la paix n’est qu’une guerre suspendue.
  • Tu sais, l’indicible ce n’est pas la violence du génocide, c’est la force des survivants à poursuivre leur existence malgré tout.

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