Critique – Le Barman du Ritz – Philippe Collin – Albin Michel
Juin 1940. Devant l’arrivée des Allemands, Paris se vide de ses habitants. Le Ritz, victime de l’exode, est lui aussi désert.
Stoïque, Frank Meier se tient derrière son bar qu’il occupe depuis 1921. Personnage ayant réellement existé, comme la plupart des protagonistes du récit, il est né en Autriche dans une famille juive.
Sa judéité, il la dissimulera fort à propos pendant toute la durée de la guerre.
Son père est un ouvrier polonais exilé et sa mère fille d’un rabbin. Aspirant à une meilleure vie, il part très jeune pour New York et apprend l’art du cocktail et du service qu’il appliquera ensuite à Paris. La France lui tient tellement à cœur qu’il s’engage dans la Légion étrangère en 1914 pour combattre au sein des forces de la Triple-Entente.
Naturalisé français, il intègre l’hôtel de luxe auquel il restera fidèle jusqu’à sa mort. Dans les années 1930, il publiera « The Artistry of Mixing Drinks », bible des amateurs d’alcool.
Le palace de la place Vendôme ne sera pas abandonné longtemps. Il accueillera « la crème de la Wehrmacht ».
Les officiers allemands vont se substituer à la joyeuse bande de l’avant-guerre parmi laquelle on compte Joséphine Baker, Fitzerald ou encore Hemingway, mais aussi Gabrielle Chanel, Sacha Guitry, Jean Cocteau, Arletty qui ont eu des soucis à la libération…
Certains d’entre eux en effet s’engageront pour défendre la patrie, les autres s’adapteront à la nouvelle situation…
Si les militaires ennemis, mis à part l’effroyable Göring, se montrent courtois et entretiennent avec Frank des relations cordiales, une faune de collaborateurs de la pire espèce investit les lieux.
Discipliné et attaché à son bar comme s’il était une racine pour l’exilé qu’il est, le barman s’accommode du changement de clientèle. Et puis, comme tout ancien poilu, il vénère Pétain, mais son admiration pour le maréchal va s’affaiblir au fur et à mesure de l’asservissement de la France de plus en plus soumise au joug nazi.
Celui qui aime tant le luxe et ne pas faire de vagues va désobéir en participant à un réseau de fabrication de faux papiers.
Est-ce pour les beaux yeux de la charismatique Blanche à laquelle est dédié le roman de Philippe Collin qu’il prend de tels risques ? Incontestablement.
Américaine d’origine juive, Blanche est l’épouse de Claude Auzello, le directeur du Ritz, et une farouche et courageuse résistante.
En plaçant la focale sur le Ritz, Philippe Collin a composé tout en nuances une histoire presque intime de la période de l’Occupation pendant laquelle, hormis les collaborateurs notoires, les Français, pour la plupart, ont pratiqué l’attentisme.
Moment sombre de notre histoire, les années 1940-1944 ont placé les individus dans une zone grise où règne l’ambiguïté et où chacun tente de sauver sa peau en faisant le dos rond…
« Que peut-on vraiment reprocher à Guitry » s’interroge Frank. D’avoir fait son métier ? D’avoir cru au maréchal ? D’avoir côtoyé les Allemands au Ritz ? Exactement comme moi… Cela suffit-il à faire de nous des salauds ? »
Vous devez être connecté(e) pour rédiger un commentaire.
+ There are no comments
Add yours