Critique – Le fils du professeur – Luc Chomarat – La manufacture de livres
Dans « Le fils du professeur », Luc Chomarat prend le lecteur par la main pour un voyage dans les années 1960-1970, celles de son enfance et de son adolescence et aussi bien sûr celles de son « héros-narrateur ».
C’est à Saint-Etienne que grandit le garçon après le départ de ses parents de l’Algérie qui l’a vu naître.
« On était une toute petite famille, juste mon père, ma mère et moi » confie-t-il. Ça c’était avant l’arrivée du dérangeant petit frère.
Le père, professeur d’histoire-géographie du genre psychorigide est un adepte de la méritocratie. A cette époque, on avait en effet encore l’espoir de grimper dans la hiérarchie sociale…
La mère est dépressive et distante (« Il y a des femmes que la proximité d’un garçon met mal à l’aise. Ma maman était ce genre de femme » constate le garçon un brin fataliste).
Pour fuir cette ambiance un peu terne, le gamin incompris, solitaire et empêtré dans un corps trop grand s’invente d’autres parents, ceux « d’à côté », ceux qui le « laissent tranquille », s’évade dans la lecture de bandes dessinées (au grand désespoir de son géniteur qui ne jure que par « Don Quichotte », « le livre le plus important de la littérature occidentale ») et dans les séries américaines qui envahissent alors le petit écran. Il s’éveille aussi à la sensualité en contemplant sa cousine Lina et en feuilletant les pages sous-vêtements du catalogue de La Redoute comme l’ont fait tous les ados de cette époque !
Cette chronique douce amère sur l’enfance et l’adolescence est un petit bijou de charme, de justesse et d’intelligence. C’est aussi le portrait plein d’humour d’une époque mythifiée dont Luc Chomarat peint avec finesse, par la voix mi-naïve mi-lucide de son enfant-conteur, les évolutions : la religion catholique, encore très influente sur les consciences, qui va céder un peu de son pouvoir bousculée par la vague soixante-huitarde et les mesures sociétales qui vont suivre telles que la loi sur l’avortement ; la ruée des Français, avides de soleil, vers les côtes espagnoles déjà défigurées à l’instigation de Franco ; les prémices de la société de consommation et son engrenage infernal du « toujours plus ».
EXTRAITS
- Tout le monde était moche. C’était une épreuve que le Seigneur m’envoyait.
- Et puis j’allais bientôt entrer dans l’adolescence, c’est le moment où on comprend que les parents ne peuvent pas comprendre.
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