Critique – Le malheur du bas – Inès Bayard – Albin Michel
C’est par une scène saisissante de brutalité que débute « Le malheur du bas » : l’assassinat en direct d’un père et de son fils par une mère qui se suicide (on appelle ce procédé narratologique une prolepse).
Cette femme s’appelle Marie. Avec elle, nous allons remonter le cours de sa vie depuis le jour où tout a basculé.
Alors que son mari Laurent, un brillant avocat, dîne avec ses collègues, elle se fait violer par son supérieur hiérarchique et découvre qu’elle est enceinte. Après le choc de l’humiliation et la révélation de sa grossesse,
Marie, jusqu’alors toujours choyée par des parents aimants et un compagnon attentionné, va voir son existence totalement bouleversée.
L’indifférence, l’incompréhension et l’aveuglement de son époux, son statut infantilisant de poule pondeuse vont transformer la jeune femme. La petite bourgeoise va se métamorphoser en un être haineux envers elle-même, son entourage et surtout son petit Thomas, bouc émissaire de son naufrage, qu’elle maltraite avec une perversité malsaine. En introduisant du tragique dans le quotidien de son personnage, Inès Bayard, qui signe là son premier roman, dénonce avec une patte féministe la domination masculine. Une démarche que ne renierait pas la remarquable auteure autrichienne Elfriede Jelinek qui écrivait cette phrase terrible : « Ainsi la femme se tient-elle immobile comme une cuvette de cabinet pour que l’homme puisse y faire ses affaires ».
Malgré une écriture parfois un peu faible et redondante ainsi que quelques poncifs du style « certaines journées ne valent pas la peine d’être vécues ailleurs que dans son lit », « Le malheur d’en bas », avec un vrai sens du rythme, est un livre coup de poing qui se lit la boule au ventre, presque en apnée, comme ce fut le cas du « Chanson douce » de Leïla Slimani.
EXTRAITS
- Il pense qu’il n’y a que le sexe pour avoir la preuve d’un bonheur sincère.
- Elles ne sont qu’un trou. Un immense vide de chair molle. Un désert coupable et humide au centre duquel l’homme, tel Dieu, perce sa voie.
- Il existe peu de femmes véritablement misanthropes, qui osent porter la responsabilité de ne pas être actives ni sociables. Le laisser-aller d’un homme est souvent considéré comme plus naturel, voire poétique. Celui de la femme est contre nature.
Vous devez être connecté(e) pour rédiger un commentaire.
+ There are no comments
Add yours