Antisémite, « naziphile » invétéré, violent avec sa femme et son fils unique, venimeux envers l’humanité, tel est le portrait que Pascal Bruckner dresse de son père.

Formidable lorsqu’il déverse une haine salvatrice contre son géniteur, il l’est moins, dans la deuxième partie, lorsqu’il raconte son « échappée belle » pour fuir l’ambiance familiale, ce père méchant et cultivé et cette mère soumise jusqu’à la mort.

Servi par une écriture fluide qui allégerait presque le propos, ce récit souvent drôle et truffé de phrases justes et qui font mouche est ironiquement titré « Un bon fils » (cf. « Tu ne crois pas que tu devrais faire un Stefan Zweig ? » demande l’auteur à son père, faisant référence au suicide de l’écrivain autrichien). En effet, ce « bon fils » n’a pas toujours eu une conduite exemplaire : massacreur d’animaux, colérique, il nous prouve que la figure du père a une influence sur le cours de sa vie. Même s’il a toujours tenté de penser et d’agir à l’opposé.

Enfin, le final est un fabuleux pied de nez à toutes les « valeurs » véhiculées par son salaud de père.

Extraits

• « La vie champêtre vous apprend rarement l’amour de la nature, elle est d’abord une école de la cruauté. »
• « Dans la famille paternelle comme maternelle, nous étions bilingues dès le berceau : nous apprenions l’antisémitisme en même temps que le français. »
• « Je me mis à écrire pour ne pas être écrit par les miens. »
• « Rien de plus doux qu’une grande religion à son crépuscule quand elle a renoncé à la violence, au prosélytisme, et n’exhale que son message spirituel : la foi s’est muée en émotion esthétique, en nostalgie de l’enfance. »
• « Une intuition me dit que certains livres ne doivent pas être finis sous peine d’entraîner la disparition du lecteur. »
• « Je découvris à mon retour le monde savoureux des pompes funèbres, cet entrelacement de rhétorique compassionnelle et de mathématique financière. »