Critique – L’art de perdre – Alice Zeniter – Flammarion
Naïma, l’un des trois personnages de « L’art de perdre », n’éprouve que peu d’intérêt pour l’Algérie, pays dont son père est natif.
Ce sont les attentats de janvier 2015 revendiqués par Daech, avec pour conséquence une méfiance accrue à l’égard des musulmans, qui la ramènent avec violence à ses origines.
L’occasion, grâce à son travail dans une galerie d’art parisienne, de voyager dans la patrie de ses ancêtres, lui donne envie d’en savoir plus sur les harkis dont son grand-père fut l’un des représentants.
C’est pour protéger sa famille que Ali a informé la puissance coloniale des agissements des fellaghas. A l’indépendance, il doit quitter la Kabylie. « Hébergé » dans le camp de Rivesaltes, de sinistre mémoire, il taira toute sa vie cet épisode honteux qui l’a amené à collaborer avec les occupants.
Hamid, son fils, va devenir un bon Gaulois. Il épouse la douce Clarisse, une bonne Française de souche et répète, malgré les injonctions de sa fille Naïma, que l’Algérie « ne le concerne pas ».
Ce roman a été tellement encensé par la critique que j’en attendais beaucoup. Trop peut-être. Et j’ai forcément été un peu déçue. Attention, cette saga familiale extrêmement bien documentée sur trois générations m’a intéressée mais il ne m’a pas vraiment émue (sauf peut-être Ali). Son côté didactique qui fleure bon les études de lettres et un style parfois un peu lourd (malgré quelques fulgurances) m’ont empêchée de me laisser totalement porter par cette histoire qui s’interroge, entre autres, sur l’ambivalence de l’identité et la transmission mais qui manque de chair.
EXTRAITS
- Il fait le choix, se dira Naïma plus tard en lisant des témoignages qui pourraient être (mais qui ne sont pas) ceux de son grand-père, d’être protégé d’assassins qu’il déteste par d’autres assassins qu’il déteste.
- Je ne peux pas vivre avec toi si tu vis tout seul.
- Peur que les 28% de Français qui affirment comprendre les représailles à l’encontre des musulmans après les attentats deviennent de plus en plus nombreux.
- Alcool + porc, parfois elle se dit que son père s’est fait un devoir de prouver à chaque instant qu’il pouvait être maghrébin sans être musulman.
- L’islam est entré dans les maisons par les paraboles.
- Il se pourrait – elle n’en est pas sûre, elle ne veut pas l’être – que Lalla ait dit vrai et qu’elle participe depuis des années à une fumisterie qui la dépasse et vise à créer un stéréotype du « bon Arabe » (sérieux, travailleur et couronné de succès, athée, dépourvu de tout accent, européanisé, moderne, en un mot : rassurant, en d’autres mots : le moins arabe possible) que l’on puisse opposer aux autres (qu’elle oppose elle-même).
- Et elle enrage de se sentir ainsi coincée entre deux stéréotypes, l’un qui trahirait, comme le pense Lalla, la cause des immigrés pauvres et moins chanceux qu’elle, l’autre qui l’exclurait du cœur de la société française.
- Au lieu de poser ses pas dans les pas de son père et de son grand-père, elle est peut-être en train de construire son propre lien avec l’Algérie, un lien qui ne serait ni de nécessité ni de racines mais d’amitié et de contingences.
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