Critique – Flaubert – Michel Winock – Gallimard

Critique – Flaubert – Michel Winock – Gallimard


En historien amateur de littérature et spécialiste des républiques françaises ainsi que des mouvements intellectuels, Michel Winock s’est penché sur le grand Flaubert (il mesurait 1,83 mètre) en l’intégrant dans son siècle, le XIXème, celui qui fut le réceptacle des bouleversements de l’organisation sociale avec la disparition des ordres remplacés par les classes avec la bourgeoisie comme grande gagnante.

C’est aussi le siècle de la « transition démocratique », une évolution qui révulse l’écrivain.

Gustave Flaubert est né à Rouen le 12 décembre 1821 Peu adapté au système scolaire tel qu’il fonctionnait à l’époque, il a pour la littérature une passion précoce. Parmi ses lectures préférées, on trouve aussi bien Cervantès que Alexandre Dumas, Shakespeare, Chateaubriand, Montaigne, Byron, Rabelais et Victor Hugo bien sûr.

A son occupation bibliophage s’ajoute rapidement une activité d’écriture dès l’âge de 9 ans.

Son père étant chirurgien-chef de l’Hôtel-Dieu et la maison familiale jouxtant l’hôpital, le garçon est confronté très jeune à la mort. Cette familiarité avec la faucheuse eut des conséquences sur sa conception de l’existence, sur sa propre finitude et peut-être aussi sur son œuvre. A 12 ans, il qualifie la vie de « plaisanterie bouffonne » !

A l’issue de ses études secondaires, son père le destine au droit mais il sera écrivain, un écrivain qui prendra son temps pour accoucher de son œuvre tellement il est obsédé par le style, par le mot juste, la phrase vraie qu’il clame dans son fameux « gueuloir ».

Michel Winock a su souligner l’ambigüité et les paradoxes de Flaubert :

  • un homme qui honnit la platitude des jours qui passent et qui trouve dans l’écriture une forme de quête d’absolu.
  • un homme mélancolique « qui excelle dans la farce ». « Plus bouffon que gai » écrit-il de lui-même.
  • un homme qui « déteste le pouvoir » mais qui aime l’ordre, une sorte d’anarchiste de droite
  • un homme qu’on pourrait penser misanthrope alors qu’il fut bon avec ses proches
  • un homme qui exècre les bourgeois (« J’appelle bourgeois quiconque pense bassement » a-t-il écrit) alors qu’il vit pour l’essentiel de ses rentes. Conscient de cet état de fait, il écrira cette formule savoureuse : « Vivre en bourgeois et penser en demi-dieu »
  • son cynisme en matière de sentiments alors qu’il place l’amitié, y compris féminine (cf. George Sand), au-dessus de tout et voue à ses maîtresses un véritable amour malgré la distance qu’il instaure avec elles. L’Art passe avant tout…
  • un homme qui s’astreint à la solitude pour écrire alors que cette retraite lui pèse. Il n’hésitera pas à passer chaque année quelques mois à Paris où il retrouvera ses amis dans les cafés, les restaurants et les salons mondains tout en fréquentant de temps en temps les bordels de la capitale
  • un homme qui refuse la reconnaissance et la gloire et qui accepte la Légion d’honneur
  • un homme qui méprise la politique mais qui s’affirme patriote lors de la guerre franco-prussienne de 1870. Il écrira même : « Tout ! Tout ! (même la Commune) plutôt que les casques à pointe ! »
  • un homme qui, comme l’affirmait George Sand, n’aimait pas le bruit mais n’était pas gêné par celui qu’il faisait. Pour épater la galerie et pour se sentir vivant lui qui était rongé par de multiples maladies ?
  • un homme qui revendique l’héritage de Polycarpe de Smyrne alors qu’il a inventé le roman moderne ce qui explique l’incompréhension de certains de ses contemporains. Avec Flaubert, « la littérature a quitté les grands champs de l’héroïsme ». Son esthétique de l’impersonnalité permet au lecteur d’être le seul juge alors que le roman traditionnel avait pour objectif « d’instruire, d’exprimer, de démontrer ». Le courant du Nouveau Roman l’a réhabilité dans les années 1950-60.

Alors, n’hésitons pas à nous (re)plonger dans les romans du l’ermite de Croisset et aussi dans sa correspondance qui nous en dit tellement sur lui et sur le contexte historique dans lequel il a évolué. Et merci à Michel Winock d’avoir rendu si vivant l’auteur de « Madame Bovary ».

EXTRAITS

  • Dans « Bovary », du trivial il avait fait de l’art.
  • « Les honneurs déshonorent. »
  • « Nous ne souffrons que d’une chose : la Bêtise. – Mais elle est formidable et universelle. »

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