Critique – Le côté de Guermantes – Marcel Proust – Gallimard

Critique – Le côté de Guermantes – Marcel Proust – Gallimard


« Le côté de Guermantes », troisième volume de « A la recherche du temps perdu », est le plus long des sept opus de l’oeuvre maîtresse de Marcel Proust.

Deux parties le composent. Dans la première, le narrateur et ses parents emménagent dans un appartement qui dépend de l’hôtel de Guermantes. C’est là qu’il croise presque chaque jour le regard de la duchesse éponyme, femme qui le fascine jusqu’à l’obsession.

Le nom de Guermantes évoque aussi Combray, l’endroit où le narrateur passait ses vacances chez sa grand-tante. Par la magie de la littérature, le lecteur est transporté de la villégiature provinciale au très chic faubourg Saint-Germain. Progressivement, il va pénétrer, avec le chroniqueur Marcel Proust, l’univers des mondains : en allant revoir la Berma dans le rôle de « Phèdre », moment pendant lequel l’observation du public est un spectacle au même titre que la pièce de Racine ; en se faisant inviter par Mme de Villeparisis ; en devenant, enfin, l’hôte de la duchesse.

Pour atteindre ce but ultime, il n’hésite pas à se rendre à Doncières, ville de garnison où se trouve son ami Saint-Loup qui n’est autre que le neveu de la duchesse tant fantasmée. C’est dans cette épisode qu’est largement évoquée l’Affaire Dreyfus qui divise le petit monde fréquenté par le narrateur où l’antisémitisme est largement dominant.

De retour à Paris, le narrateur assiste à l’agonie de sa grand-mère. Cet événement qui signe la mort de l’enfance, donne lieu à des pages déchirantes de beauté.

A la fin de l’innocence succède le temps des mondanités incarné par les salons dont le plus couru est celui d’Oriane de Guermantes. Dans son hôtel particulier, elle reçoit « certains hommes d’élite » à condition qu’ils viennent sans leurs épouses. Elle accueille aussi le gratin aristocratique devant lequel elle étale son intelligence et sa culture. L’attirance originelle du narrateur pour la duchesse se métamorphose maintenant qu’il la fréquente. Le désir assouvi, il ne reste en effet plus qu’une impression de vide, une sensation aggravée par la frivolité et la méchanceté d’Oriane. Dans la très longue – trop longue – description du salon faussement subversif de la duchesse, le narrateur se fait entomologiste en dépeignant avec ironie et cruauté le fonctionnement du petit cercle d’aficionados perfides et souvent stupides aux conversations finalement bien ennuyeuses et futiles.

C’est peut-être à ce moment, parce qu’il sait capter le monde qui l’entoure avec un regard acéré, que le narrateur devient un véritable écrivain.

EXTRAITS

  • Seuls ils auraient eu l’esprit libre pour écouter la pièce si seulement ils avaient eu de l’esprit.
  • On a même pu dire que la louange la plus haute de Dieu est dans la négation de l’athée qui trouve la Création assez parfaite pour se passer d’un créateur.
  • La duchesse, vivant de cette vie mondaine dont le désœuvrement et la stérilité sont à une activité sociale véritable ce qu’est en art la critique à la création.
  • Nous aimerions avoir connu Mme de Pompadour qui protégea si bien les arts, et nous nous serions autant ennuyés auprès d’elle qu’auprès des modernes Egéries, chez qui nous ne pouvons nous décider à retourner tant elles sont médiocres.
  • Tous ces gens-là sont d’une autre race, on n’a pas impunément mille ans de féodalité dans le sang.

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