Critique – Le Nageur – Pierre Assouline – Gallimard
« Si je le revois je le tue » répète Alfred Nakache comme un mantra. Qui est ce « le » qui l’obsède ? Ce « le » n’est autre que Jacques Cartonnet, un concurrent dans les bassins et un collabo de la pire espèce qui serait responsable de sa déportation, de celle de sa femme, de sa fille de deux ans et de la mort de ces dernières.
L’internement à Auschwitz est la période charnière autour de laquelle se structure le récit de Pierre Assouline, excellent biographe de Gaston Gallimard, d’Albert Londres ou encore de Rudyard Kipling.
Pour Alfred Nakache, il y a l’avant et l’après l’horreur absolue.
Né en 1915 à Constantine au sein d’une communauté juive soudée menacée par un antisémitisme récurrent, « Alfred est de ces enfants qui ont peur de l’eau ». Il faudra attendre l’adolescence pour qu’il triomphe de sa frayeur et nage comme un poisson dans l’eau.
Il est tellement doué qu’il est envoyé à Paris, puis à Toulouse où il accumule titres et records ainsi qu’une grande popularité non seulement en raison de ses prouesses sportives mais aussi pour sa jovialité, sa simplicité et sa bonne humeur.
Cette première partie qui dissèque les techniques de nage m’a plutôt ennuyée.
À propos de la deuxième qui évoque la captivité de plus d’un an d’Alfred Nakache, une question se pose : les mots sont-ils assez forts pour exprimer ce qu’ont enduré les déportés auxquels on a dénié toute humanité ?
Contrairement à sa femme et à sa fille qui furent gazées à leur arrivée, Alfred a survécu grâce à des conditions de détention plus favorables liées à son statut d’infirmier et à sa solide constitution de sportif de haut niveau.
Il « quitte enfin le camp, persuadé que jamais le camp ne le quittera ». De retour en France, délesté de dizaines de kilos et « auréolé » du qualificatif ignoble de « nageur d’Auschwitz », il peine à faire surface, brisé par les mois passés dans l’enfer nazi. Pis, il est inculpé pour complicité d’homicide volontaire, accusé d’avoir frappé ses codétenus, et le titre de « déporté-résistant » lui est refusé alors qu’il s’est engagé pendant l’occupation dans un réseau de contre-propagande.
Et le fantôme de Jacques Cardonnet évaporé à la Libération ne cesse de le hanter.
Renouer avec sa passion lui permettra-t-il d’estomper ses peines :
« Nager pour ne pas couler » comme l’écrit joliment Pierre Assouline qui, en brossant le portrait d’un homme pris au piège de la folie des hommes, incarne le destin tragique de millions de Juifs.
EXTRAIT
– En tout rescapé des camps, il restera toujours un personnage tragique.
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