Critique – Les Filles du chasseur d’ours – Anneli Jordahl – L’Observatoire

Critique – Les Filles du chasseur d’ours – Anneli Jordahl – L’Observatoire


Avec leurs tignasses flamboyantes, leurs vêtements dépenaillés, leur saleté repoussante, l’odeur épouvantable que leurs corps dégagent, elles ne semblent former qu’une seule entité.

Et pourtant…

Les filles Leskinen sont sept. Elles vivent en Finlande, pays dont les habitants sont le plus heureux.

Après la mort du père adoré suivie rapidement par celle de la mère détestée, elles sont orphelines.

Johanna, la plus âgée, s’affirme en héritière du géniteur, un légendaire chasseur d’ours qui a installé sa famille dans la forêt loin des mirages et des menaces de la civilisation.

Suivent Tania et Aune, puis Tiina et Laura, deux paires de jumelles.

Il y a ensuite Simone et, enfin, Elga, la seule qui ne ressemble pas physiquement à ses sœurs.

Conduite d’une poigne de fer par Johanna, secondée par les deux « T », les plus jeunes subissent la faim, le froid et les coups, victimes de la folie atavique et paranoïaque de l’aînée.

Pour atténuer leurs souffrances, elles s’évadent dans leurs passions secrètes : l’invention d’histoires pour Aune, le modelage pour Laura, le mysticisme pour Simone et la lecture pour Elga, bien loin des règles survivalistes édictées par Johanna dont le sens de l’organisation laisse à désirer.

Grâce à ces échappatoires, elles mettent à distance leur enfance violente privée de la connaissance qui libère et permet de devenir un adulte épanoui.

Il y a parfois de bons moments, ceux pendant lesquels le septuor écluse des litres de bière noire aussi épaisse que leur chevelure et de gnôle…

C’est une narratrice, dont on découvrira l’identité à la toute fin du livre, passionnée par ces fascinantes et énigmatiques enfants semi-sauvages, qui raconte l’histoire des filles du chasseur d’ours, dont le mythe se ternit, alors que la figure de la mère est réhabilitée.

Loin de magnifier la nature et de développer les thèses de certains écologistes extrémistes qui stigmatisent la nocivité de l’homme allant jusqu’à souhaiter sa disparition, Anneli Jordahl a construit un récit féministe et humaniste, au sens de la Renaissance, teinté d’humour noir et d’une grande originalité par sa démesure.

Une belle et singulière lecture et une ode à l’imagination.

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