Critique – Le Nom sur le mur – Hervé Le Tellier – Gallimard
Intéressée par les périodes les plus sombres de notre histoire au cours desquelles la bravoure et l’humanité se sont confrontées à l’infamie, je me suis dit, en ouvrant « Le Nom sur le mur », que j’allais lire un énième livre auquel la production littérature nous habitue ces derniers temps, avec plus ou moins de bonheur, en s’emparant d’un personnage réel pour créer un « roman » mêlant faits authentiques et inventés.
C’est un « objet » différent que nous propose l’oulipien Hervé Le Tellier, homme sans racines comme il se définit, à la recherche d’une « maison natale » pour s’inventer une filiation.
C’est non loin de Dieulefit qu’il pose ses valises. Gravée sur l’un des murs de sa nouvelle demeure, il découvre une inscription en majuscules : ANDRÉ CHAIX.
Quelque temps plus tard, en déambulant dans les rues de son village, il s’arrête devant le monument aux morts. Y figure la même épigraphe accompagnée des dates mai 1924 – août 1944.
La double découverte l’amène à en savoir un peu plus sur ce jeune homme trop tôt disparu. C’est cette courte existence qu’il va nous raconter à partir de sources avérées et d’une boîte contenant « beaucoup de choses, toutes précieuses et minuscules », des poussières de vie, dont des lettres et des photos d’André. Hervé Le Tellier va ajouter à ce récit sa patte d’écrivain en inventant ce qui n’a été ni dit ni transmis.
Sa curiosité pour ce résistant tué par les Nazis s’étend à un intérêt pour une époque « où la générosité et le courage ont côtoyé comme rarement l’égoïsme et l’abject ».
En se plongeant dans ces moments où les Français se sont fracturés, c’est un cadeau que l’auteur fait au lecteur.
Agrémentée de clichés du héros tombé dans les abysses de l’histoire, la narration vagabonde dans le temps au moyen de digressions toujours pertinentes : de l’organisation de la résistance pendant la guerre à un pont avec la situation actuelle avec son lot pernicieux de populisme et de nationalisme (lire les pages édifiantes sur le parcours de ceux qui ont fondé le FN en 1972) en passant par des considérations sur la banalité du mal et la manipulation des masses ou encore par le « blanchiment » de la collaboration pour faire croire en une unité nationale illusoire.
Avec ce tableau à la fois intime, historique, politique et philosophique, Hervé Le Tellier a composé un texte intelligent et touchant qui a la grâce, celle d’un garçon sacrifié sur l’autel de la liberté, cette liberté que nous devons préserver à tout prix.
EXTRAIT
Je crois que j’ai voulu donner du sens à mon regard pour pouvoir sourire toujours avec fraternité face à ton nom sur le mur.
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