Critique – Les Derniers jours du Parti socialiste – Aurélien Bellanger – Seuil

Critique – Les Derniers jours du Parti socialiste – Aurélien Bellanger – Seuil


Depuis près de cent vingt ans, la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État fonde la laïcité, ce principe qui agite l’espace médiatique avec une grande intensité et une forme d’hystérie depuis l’attentat contre Charlie Hebdo.

Avec « Les Derniers jours du Parti socialiste », Aurélien Bellanger, qui aspire à se glisser dans les habits d’un Balzac des temps modernes, en rajoute une couche dans la frénésie collective. Il a en effet ému, le temps d’une quinzaine de jours, les débats intellectuels.

La proposition qu’il soumet au lecteur dans ce roman à clés est la description du dévoiement hérétique de la laïcité et, concomitamment, de « la liquidation du vieux Parti socialiste » déjà bien entamée par les recommandations du think tank « Terra Nova » préconisant de rompre avec la lutte des classes et de former une alliance entre les bobos des centres-villes et les populations immigrées des banlieues.

Et c’est une organisation politique, obscure pour le commun des mortels, qui en est l’instigatrice. Baptisée le Mouvement du 9 décembre, en référence à la date de promulgation de la loi de 1905,

elle a été créée aux lendemains des attaques terroristes de 2015 par un certain Grémond qui a fait sien le concept d’hégémonie culturelle développé par le communiste italien Gramsci.

Pour l’auteur, l’interprétation de la laïcité que fait l’apparatchik cynique, est un racisme déguisé qui nourrit l’extrême droite en affirmant que l’islam n’est pas soluble dans les valeurs de la République.

Quoi qu’on pense de cette thèse (incorrigible laïcarde, j’y suis bien évidemment opposée), on ne peut qu’applaudir le brio avec lequel, sur près de cinq cents pages, Aurélien Bellanger retrace l’histoire récente du PS et dépeint la scène intellectuelle animée par une poignée de philosophes, de spécialistes ès sciences humaines et de journalistes tels que Revêche (Philippe Val), Véronique Bourny (Caroline Fourest), Lili Caen (Rachel Khan). Face à eux, on trouve, entre autres, Lassana Diop (Rokhaya Diallo), infatigable accusatrice du « privilège blanc ». D’autres apparaissent sous leur véritable identité : Valls, Blanquer, Macron…

Dans cette somme satirique, cruelle et souvent méchante, une méchanceté que l’écrivain a entretenue intensément dans les nombreuses interviews qu’il a données dans les médias, on croise deux péripatéticiens des plateaux de télévision que tout oppose, à part leur ralliement à Grémond, alias Laurent Bouvet fondateur du Printemps républicain, l’inventeur de la formule géniale d’islamo-gauchiste et l’ennemi déclaré des wokistes de tout poil : Taillevent (Raphaël Enthoven), le don juan germanopratin surnommé « le philosophe des villes » et Frayère (Michel Onfray), à la « grosse tête de moine défroqué », affublé du sobriquet de « philosophe des champs ».

Ces portraits, surtout celui du second dont la dérive droitière est plus que manifeste, sont bien vus et délicieusement vénéneux.

J’ai en revanche été moins emballée par les délires qui s’emparent du grotesque Sauveterre, double d’Aurélien Bellanger, pour nous sauver et les âneries proférées avec un aplomb extraordinaire, notamment sur le Chanoine qui n’est autre que le président Macron.

Sans oublier le procès à charge de Charlie Hebdo accusé d’avoir imposé une idolâtrie de la laïcité, comme si elle était une religion.

L’auteur de « Téléréalité » n’est définitivement pas Charlie !

Si l’argumentation idéologique de ce roman à thèse fort drôle est, à mon sens, ignoble, j’ai pris, tout en m’offusquant, un réel plaisir à le lire.

EXTRAITS

  • À quoi bon une victoire de la gauche, si c’était la défaite d’une civilisation ?
  • Ce sympathique chauvinisme qui est le racisme du pauvre.

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