Critique – À prendre ou à laisser – Lionel Shriver – Belfond

Critique – À prendre ou à laisser – Lionel Shriver – Belfond


Lionel Shriver a le chic pour s’emparer de sujets graves et dérangeants peu abordés dans la littérature : la haine d’une mère pour son fils violent (« Il faut qu’on parle de Kevin), la protection sociale aux États-Unis (« Tous ça pour quoi »), l’obésité (« Big brother »)…

Sa marque de fabrique est souvent de les traiter avec humour pour mieux les dynamiter et nous inciter à réfléchir.

Avec « À prendre et à laisser », c’est sur la vieillesse et la fin de vie qu’elle se penche.

Tout commence au décès du père de Kay qui a mis des années à mourir en pourrissant la vie de son entourage. Le récit de sa décrépitude est jubilatoire tellement elle sonne juste en mettant le doigt sur le fardeau qui pèse sur les aidants. L’autrice ne nous épargne rien de la trivialité d’un quotidien réduit à changer les couches d’un vieillard, à couper ses ongles de pieds, à torcher son derrière à coups de lingettes pour bébé…

Après l’enterrement de son beau-père, Cyril propose à Kay, avec laquelle il forme un couple fusionnel, de faire le serment de se suicider le jour de ses quatre-vingts ans. Au moment de ce pacte, que le mari a un peu arraché à sa femme, les deux sont quinquagénaires. Respecteront-ils leur engagement conclu trente ans plus tôt ? Lionel Shriver n’offre pas de réponse univoque mais douze qui sont autant de variations sur la vie et la mort dans lesquelles les deux protagonistes vont vivre le pire comme le meilleur : un fils qui attend avec impatience son héritage, un EHPAD où les résidents vivent un enfer, une société où toute trace de culture a disparu, l’acharnement thérapeutique, la démence sénile, l’infantilisation et l’humiliation, l’immortalité, la paix entre les peuples, la sérénité, la réussite professionnelle à un âge avancé, la solidarité familiale…

Avec ce roman intelligent, à la fois grave et drôle, l’autrice nous confronte à notre propre finitude. En soulignant l’inéluctabilité de notre sort, elle atteint l’universel. Enfin, ses propos entrent en résonance avec les débats qui agitent nos sociétés sur le droit de mourir dans la dignité.

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