Critique – Bluebird, Bluebird – Attica Locke – Liana Levi
Darren Mathews, la petite quarantaine, est en bien mauvaise posture. Il est sur le point d’être destitué pour faute grave de son poste au sein de le prestigieuse « Texas Ranger Division ».
Lorsqu’un ami du FBI le contacte pour enquêter sur un double meurtre commis à Lark dans le Texas du Sud, il fait fi de la sanction attendue et se rend sur place où deux cadavres l’attendent : Michael Wright de passage dans la région et Missy Dale, une fille du coin. Ils ont été assassinés. Dans ce bled paumé, deux bars, allégorie du séparatisme entre Noirs et Blancs, se mesurent : le Geneva’s tenu une sexagénaire taiseuse et détentrice de secrets et le Jeff’s Juice House, repaire de membres de la Fraternité Aryenne du Texas qui propose à ses futures recrues une réjouissante initiation consistant à « écorcher » un Noir….
Au-delà de l’intrigue policière, « Bluebird, bluebird » vaut surtout pour l’art de l’auteur de nous faire vivre l’ambiance des bars poisseux, des villes au milieu de nulle part, des paysages poussiéreux et de nous faire saisir les rancoeurs entre blancs et noirs, entre riches et pauvres. Avec, en écho, une bande-son où se mélangent la country des rednecks et le blues des anciens esclaves. Le titre du roman fait par ailleurs référence à une chanson de John Lee Hooker.
Au milieu du chaos, le Ranger Darren Mathews symbolise toutes les contradictions qui agitent les Etats-Unis, particulièrement dans sa partie sud. Noir, il a été élevé par la famille de son père enrichie par l’exploitation de terres léguées par un ancien propriétaire d’esclaves. Il a fréquenté l’université mais a voulu s’engager chez les patrouilleurs comme William, son oncle préféré abattu lors d’une intervention. Parce qu’il pense qu’il est investi d’une mission et qu’il est obsédé par les crimes de haine racistes, qu’il ne faut jamais évoquer pour ne pas mettre le feu aux poudres, et par la quête de la vérité quelle qu’elle soit. Quitte à négliger le couple qu’il forme avec son épouse et à recourir à l’alcool pour surmonter les épreuves.
Tout en nuances, « Bluebird, bluebird » est le portrait réussi d’une Amérique toujours hantée par son histoire violente.
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