Critique – Enon – Paul Harding

Critique – Enon – Paul Harding


 

« La plupart des hommes de ma famille font de leurs épouses des veuves, et de leurs enfants des orphelins. Je suis l’exception. Ma fille unique, Kate, est morte renversée par une voiture alors qu’elle rentrait de la plage à bicyclette, un après-midi de septembre, il y a un an. Elle avait 13 ans. Ma femme Susan et moi nous sommes séparés peu de temps après ».

Dès le premier paragraphe, le lecteur reçoit comme un coup de poing l’annonce de la disparition de la fille de Charles Crosby. Le couple qu’il forme avec Susan ne tient que par cette enfant unique et adorée par ses parents et surtout par son père placé volontairement par l’auteur dans la tête du lecteur afin que ce dernier puisse suivre au plus près sa déchéance. Une expérience un peu éprouvante.

« Enon », c’est non seulement une petite ville de Nouvelle-Angleterre dont le narrateur se passionne pour l’histoire mais c’est aussi 365 jours de la vie d’un homme qui ne supporte pas la perte de sa fille et qui sombre dans la dépression. Il ne se lave plus, il boit, il avale des drogues et retourne contre lui la violence de l’accident originel qui lui a fait perdre tout goût à la vie. Même les souvenirs de son enfance et des merveilleux moments passés avec son grand-père ne l’aident pas à surmonter son mal-être. Pire, ils l’aggravent, lui rappelant sa complicité avec Kate.

Avec une finesse psychologique, un sens du détail et une puissance poétique, surtout lorsqu’il évoque cette nature omniprésente que le père a fait découvrir à sa fille au cours de leurs longues promenades, Paul Harding décrit avec justesse la chute d’un homme qui flirte avec la folie.

Extrait : « J’ai continué à m’enfoncer dans les ombres, à me rapprocher de la frontière qui sépare cette vie de ce qui se trouve au-delà, me transformant moi-même, peu à peu, en presque cadavre » (p. 217).

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