Critique – Amiante – Sébastien Dulude – La Peuplade

Critique – Amiante – Sébastien Dulude – La Peuplade


Dévaler les pentes à bicycle, trouver des trésors pour construire une cabane dans les arbres, se plonger dans les aventures de Tintin, pêcher les truites, tenir le compte des catastrophes qui se passent dans le monde, ressentir les premiers émois physiques, voilà à quoi s’emploient Steve, neuf ans, et Charlélie, dix ans, deux amis inséparables depuis que le second est arrivé un an avant l’année 1986 pendant laquelle se déroule la première partie du roman.

Nous sommes à Thetford Mines, petite localité surnommée la « cité de l’or blanc », le métal précieux désignant l’amiante, minerai aux propriétés calorifuges et isolantes mais extrêmement nocives pour la santé humaine et pour l’environnement.

Poumon économique de ce territoire québécois, il emploie le père de Steve.

Malgré les dangers, cette exploitation est un formidable terrain de jeu pour les enfants. Le plus jeune, plutôt prudent, n’hésite pas à suivre son intrépide camarade, devenu un refuge, une protection, celui qui l’a sorti de la solitude. Parce qu’à la maison, la vie est moins plaisante.

La mère, dépressive, passe ses journées dans son lit, et le père manie les insultes et les coups avec virtuosité, reprochant à son fils ses manières et ses goûts efféminés.

« Amiante » est le premier roman de Sébastien Dulude, auteur québécois qui s’est fait connaître pour sa poésie, genre dont on distingue la marque dans la prose souvent lyrique et métaphorique mâtinée de mots et d’expressions québécois qui apportent une touche de fraîcheur et d’inventivité.

L’écriture a la capacité à décrire avec justesse, finesse et sensibilité le monde de l’enfance avec ses angoisses et ses joies, tout en instillant une sensation de menace, et celui de l’adolescence qui occupe la seconde partie, cinq ans plus tard, d’où sourdent un mal-être lié à l’absence, la colère, une quête d’identité et une émancipation salvatrice.

Personnage à part entière du récit, la mine d’amiante présente un double visage : une défiguration de la nature et un péril pour les riverains, mais aussi une source d’emploi pour ces derniers.

Elle est une verrue aux allures lunaires au milieu de paysages de forêts, de rivières et de lacs.

Sébastien Dulude s’est inspiré de sa jeunesse à Thetford Mines pour composer son roman aux allures de conte moderne qui fait l’éloge de l’amitié.

« Amiante » fait partie de la sélection 2025 du Prix Premières Paroles.

EXTRAITS

  • J’avais senti dès la première fraction de seconde du croisement de nos regards, dans sa manière d’opiner du museau vers moi en m’apercevant, qu’il était l’ami que je cherchais désespérément.
  • Notre proximité était d’une plénitude à la fois nonchalante et immense, à la manière dont se rencontrent les cachalots, les cumulus, les nébuleuses.
  • Comme cette ville, ma peine ne brûlera jamais. Elle survit aux coups, aux morts, à l’amour.

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