Critique – Article 353 du code pénal – Tanguy Viel – Minuit

Critique – Article 353 du code pénal – Tanguy Viel – Minuit


Pas de suspense dans « Article 353 du code pénal ». D’emblée, on sait que Martial Kermeur a tué Antoine Lazenec au cours d’une balade en mer en le jetant par-dessus bord.

Devant le juge, le quinquagénaire décrit le lent processus qui l’a conduit à commettre cet acte irréparable.

Dans les années 90, le Finistère est secoué par la crise économique et ses conséquences : licenciements, faillites… C’est la providence, selon les mots de Le Goff, le maire de la bourgade bretonne où se déroule le drame, qui envoie Antoine Lazenec, un promoteur dont « les chaussures à bouts pointus » auraient dû éveiller les soupçons. L’homme d’affaires propose rien de moins que transformer la rade de Brest en station balnéaire… Manipulé par l’escroc et poussé par le premier édile qui est son ami, Martial va placer ses maigres économies – 400 000 francs – correspondant à la prime de départ de l’arsenal pour lequel il travaillait dans le projet immobilier.

Cet homme effacé et sans grand caractère – sa femme l’a quitté sans qu’il réagisse – va prendre ses responsabilités et se redonner une dignité qu’il a perdue en se faisant manœuvrer avec beaucoup de naïveté. Cet honneur, il a besoin de le recouvrer pour prouver à Erwan, un ado qu’il élève seul, qu’il a du tempérament. Car son funeste destin a provoqué la colère de son fils qui n’a pas supporté l’humiliation.

Dans une atmosphère toute chabrolienne faite de phrases longues, de digressions et de métaphores, le dernier roman de Tanguy Viel, qui vient de décrocher le Grand Prix RTL-Lire 2017, est un petit bijou littéraire qui fait la part belle à la psychologie du narrateur et à sa conception de la vengeance et de la culpabilité. Récit social, s’il en est, il s’interroge sur la légitimité d’utiliser tous les moyens contre une société capitaliste, dont l’aigrefin serait l’incarnation humaine, qui se moque des petites gens.

Même si la réponse est immorale, on répond oui sans hésitation tant Martial personnifie le peu d’humanité qui est en nous.

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