Critique – Journal de L. (1947-1952) – Christophe Tison – Editions Goutte d’Or
Près de soixante-cinq ans après la publication du roman de Nabokov dont le narrateur n’était autre que Humbert Humbert, Christophe Tison donne la parole à Lolita, 12 ans en 1947, année où son « beau-père » l’enlève et l’emmène sur les routes des Etats-Unis.
C’est dans les bras d’un homme plus que mûr que Dolores Haze, ignorante en la matière, va découvrir le sexe et l’amour comme lui susurre son partenaire subi. A l’âge où on joue à la poupée et sous le regard de gens qui trouvent normal qu’un adulte et une très jeune fille dorment dans le même lit ! Mais, à côté des actes subis, l’adolescente a des joies, des rêves et, comme elle est intelligente et consciente de son attrait physique, de manipulée elle devient manipulatrice, obligée de grandir plus vite que les petites filles de son âge.
Hormis le thème de la pédophilie qui donne lieu à des scènes difficilement supportables, « Journal de L. » est le récit d’une solitude (rappelons que Lolita est orpheline) confrontée à une autre solitude, celle d’un pauvre type incapable de maîtriser ses pulsions et qui, sous des airs cultivés et supérieurs, est un être faible juste capable de s’attaquer à l’innocence de l’enfance. Lolita, mue par l’espoir et par un don pour le dédoublement de personnalité qui va l’aider à supporter l’horreur, est finalement la plus forte.
Une lecture dérangeante et stimulante qui ne cache rien de l’ambigüité de la nymphette (« Je t’aime et je te déteste » écrit-elle) à la fois victime et profiteuse. Plus largement, le personnage de Lolita serait la métaphore de la condition faite aux femmes, proies idéales d’une société façonnée par les hommes.
Merci à Babelio et aux Editions Goutte d’Or. La couverture, un brin désuète, est très réussie.
EXTRAITS
- Moi, ce que je voudrais, c’est vivre dans un monde où on n’est pas obligé de croiser les jambes.
- C’est fou comme on préfère toujours la souffrance et l’inconfort quotidien à l’inconnu et au bonheur possible.
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