Critique – La fille qu’on appelle – Tanguy Viel – Minuit
C’est dans un commissariat de police que s’ouvre le dernier roman de Tanguy Viel. Laura Le Corre vient de porter plainte contre l’ancien maire de la ville devenu ministre (non pas de l’Intérieur comme un certain GD mais des Affaires maritimes).
Racontée par un narrateur omniscient, l’histoire est d’une simplicité déconcertante. Laura est de retour dans sa ville natale qui ressemble à Saint-Malo où vit son père Max, un ancien boxeur revenu sur les rings après un passage à vide et, surtout, le chauffeur du maire de la commune bretonne.
C’est son géniteur qui a sollicité son patron pour qu’elle obtienne un logement et, pourquoi pas, un job.
En pénétrant dans le château transformé en hôtel de ville, elle sent le poids du passé l’accabler. Même la secrétaire la regarde de haut, la prenant pour ce qu’elle est ou plutôt ce qu’elle paraît être : une jeune et belle fille sûre de ses atouts physiques issue d’un milieu modeste qui ose pénétrer chez le seigneur des lieux.
D’emblée, le maire, bientôt quinquagénaire, la met à l’aise et pose sa main sur la sienne. Plus tard, ce premier contact ira beaucoup plus loin.
Voilà pour le résumé des faits qui ne devraient pas ravir les amateurs de suspense. Car « La fille qu’on appelle », joli titre qui fait référence aux call-girls, est avant tout le récit par le menu du mécanisme des dominations masculine et de classe.
En plaquant une écriture faite de longues phrases sinueuses et de métaphores d’une grande justesse, Tanguy Viel exprime la matérialité du phénomène de l’emprise dans toute sa complexité. Avec une économie de dialogues et de gestes. Comme si certains codes étaient enracinés dans l’inconscient et déterminaient les comportements. Comme si tout était écrit.
Laura n’est certes pas une oie blanche et elle n’a pas été forcée physiquement. Elle considère même qu’offrir son corps fait partie du deal. Ce qu’elle n’a pas supporté, c’est le mépris, celui qui fait naître le sentiment de honte et d’humiliation.
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