Critique – Panorama – Lilia Hassaine – Gallimard

Critique – Panorama – Lilia Hassaine – Gallimard


« Pour vivre heureux vivons sous le regard des autres » pensent certainement les résidents de Paxton, quartier chic vivant au rythme de la Transparence dont les habitats sont dotés de larges baies vitrées laissant tout apparaître de la vie de ceux qui y demeurent.

En 2029, face à une justice laxiste, les habitants avaient organisé une « Revenge Week » autorisant les victimes à se venger de leurs bourreaux. Le mouvement « Transparence citoyenne » était lancé et une démocratie directe s’était instaurée.

Pour se mettre à l’abri de la violence, le « peuple » décida de concevoir une nouvelle forme d’urbanisme en construisant des maisons-vivariums.

C’est le règne de la servitude volontaire par laquelle les individus sacrifient la liberté à la sécurité. Une entorse aux règles a été néanmoins concédée lors des relations sexuelles. Pour préserver un soupçon d’intimité, les logements ont été équipés de lits-sarcophages qui se referment lorsque les amoureux appuient chacun sur un bouton. Histoire de valider le consentement des protagonistes !

« Au fond, qu’avons-nous à cacher ? Si nous n’avons rien à nous reprocher, pourquoi ne pas accepter de tout montrer » affirment les « Transparents ».

Ce « tout-apparent » a des avantages. Les délits les plus atroces – incestes, maltraitances des anciens… – sont de l’histoire ancienne.

Contrairement à ce qui se passe dans le secteur des Grillons qui ressemblent à nos banlieues avec ses barres d’immeubles disgracieuses. En contrepartie de la liberté, les habitants ont abandonné le droit à être protégé. Les Transparents aiment y aller pour se lâcher sans craindre d’être jugés.

Vingt ans après la « Nouvelle Révolution française » la famille Royer-Dumas disparaît de Paxton. Comment est-ce possible dans une ville où tout est surveillé ?

Hélène, ex-commissaire de police, va reprendre du service pour élucider ce mystère.

L’enquête, moyennement palpitante, est un prétexte pour inventer une dystopie qui, même s’ils sont poussés à l’extrême, a beaucoup de traits communs avec la société dans laquelle nous vivons.

La téléréalité et les réseaux sociaux sur lesquels les internautes étalent leurs vaines existences en quête d’un like réconfortant ou d’un commentaire élogieux sont en effet les prémices du monde décrit par Leila Hassaine.

À la lecture du roman, des questions se posent : le tout-transparent est-il possible ? Malgré les apparences et le visage que nous offrons, ne gardons-nous pas dans nos têtes une forme de liberté inatteignable par les autres ? Ne donnons-nous pas sans cesse le change ? Ne jouons-nous pas toujours un rôle ? Ne sommes-nous pas en quelque sorte les avatars imaginés de nous-mêmes ?

EXTRAITS

  • Quand nos villes, qui furent des jungles, sont devenues des zoos.
  • Le like est l’équivalent numérique de la croquette pour chiens.

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