Critique – Tout, tout de suite – Morgan Sportès

Critique – Tout, tout de suite – Morgan Sportès


Après avoir refermé le dernier livre de Morgan Sportès, j’ai éprouvé, comme ce le fut tout au long de cette lecture, un étrange malaise.

Pourtant, même si j’en connaissais l’issue fatale, je n’ai pas réussi à le lâcher. En fait, je me suis plongée dans cette histoire comme s’il agissait d’un long article rédigé par un journaliste tellement soucieux de la véracité des faits que son style en est presque clinique. Il s’agit bien évidemment du récit de l’effroyable calvaire d’Ilan Halimi séquestré par une bande d’abrutis irresponsables dirigés par un psychotique prénommé Youssouf (les identités des différents protagonistes ont été modifiés. On se demande pourquoi. Dans « De sang froid », Truman Capote n’avait pas changé les noms). Le pire est que la plupart d’entre eux sont ordinaires. Ils mènent une vie identique à celle de millions de Français. Certains suivent même des études supérieures… Pourtant, même si ils se rendent compte de l’horreur des sévices qu’endure Ilan et de la bêtise du raccourci Juif = riche, aucun ne dénoncera Youssouf. Par peur ? Par lâcheté surtout. D’autres, en revanche, prennent du plaisir à torturer le jeune homme. La banalité du mal… Et la police dans tout cela ? Elle fait preuve d’une véritable incurie, ne laissant aucun espoir au jeune supplicié de s’en sortir.

Ce qui me gêne (est-ce parce que l’auteur et son éditeur souhaitaient concourir pour les prix littéraires de la rentrée se septembre 2011 ?) est que « Tout, tout de suite » porte la mention roman.

Bien lui en a pris puisqu’il a décroché le Prix Interallié !

Même si le texte est puissant, dérangeant, le style n’a rien de littéraire (« Ils gagnent bien leur vie, mais sont assez endettés, ayant contracté des crédits » !!!). Et la manie de l’auteur d’utiliser le soi-disant langage de la banlieue est un peu agaçante.

Néanmoins, ce livre a le mérite de poser une question essentielle : ces « barbares » ne sont-ils pas le produit de nos sociétés qui perd ses repères, prône l’individualisme et le culte de l’argent ?

Extrait qui résume bien l’état d’esprit de cette bande de loosers : « J ‘ignorais que le type qu’on devait enlever était juif, déclarera-t-il plus tard à la police. Si j’ai fait ça, c’est pour l’argent, c’est tout ! » (p. 160).

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