Critique – Un été avec Rimbaud – Sylvain Tesson – Editions des Equateurs
Exercice imposé au lycée, il y a bien longtemps que je n’avais pas lu un poème d’Arthur Rimbaud. La sortie du petit livre de Sylvain Tesson qui fait suite à une série d’émissions diffusées pendant l’été 2020 sur France Inter donne envie de se replonger dans une œuvre à la fois fulgurante et fugace.
Elève terriblement doué et précoce, il compose très tôt ses premiers vers mais, la poésie étant « le mouvement des choses », il prend la tangente à seize ans. Direction Paris en pleine révolution communarde. C’est l’errance qui va lui fournir une bonne partie de son inspiration (« Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course Des rimes » in « Ma bohème »).
Après une relation épistolaire avec Verlaine, il rencontre son aîné. Il s’ensuit une relation amoureuse aussi explosive que scandaleuse.
Cet épisode passionné n’empêche pas Arthur de rédiger sa « Saison en enfer » et ses « Illuminations » qu’aucun éditeur ne publiera de son vivant. Il faut dire que le garçon n’est pas facile. Un observateur de l’époque le qualifie de névrosé et d’hystérique.
Bref, « il a tout dit entre sa quinzième et sa dix-neuvième année ».
Après, hormis une correspondance assez fournie, ce sera le silence et le grand départ pour l’Afrique. La poésie, c’est fini. Il n’a plus rien à dire. Hormis dans ses lettres qui forment une correspondance conséquente.
Si le caractère épouvantable du jeune homme explique en partie son absence de succès, c’est aussi l’hermétisme de ses poèmes qui déconcerte ses congénères.
Et le décalage est grand entre l’ingratitude des contemporains de Rimbaud (à part quelques exceptions dont celle de Verlaine qui se battit pour la reconnaissance de son amant maudit) et son immense postérité. S’affichant sur des tee-shirts, il symbolise la liberté teintée d’anarchie et d’insolence et est récupéré par de nombreuses chapelles qui en font une icône absolue. Or, rappelle Sylvain Tesson, il devint un « businessman » aux méthodes borderline qui feraient frémir les bien-pensants.
Ce que l’on doit retenir de l’homme, c’est son œuvre. René Char écrira : « Rimbaud poète, cela suffit et cela est infini ».
Revenons justement à son legs poétique qui, selon l’auteur, n’est rien moins que de « transformer le monde par les mots » en atteignant le « dérèglement de tous les sens ».
Plus sérieuses que le recyclage de l’image de Rimbaud sont les analyses auxquelles se sont livrés de nombreux exégètes.
Pour Tesson, le débat est clos avant même d’avoir commencé. « On peut recevoir la vibration des Illuminations et d’Une saison en enfer sans s’encombrer d’en percer la signification ».
La lecture de ces recueils relèverait d’un expérience sensorielle. « On ferme les yeux, on entend une voix, des couleurs apparaissent » constate l’auteur qui compare le poète à un « peintre sans palette ». Il ajoute : « il n’y a rien à comprendre dans les Illuminations ». Nous sommes bien loin de Victor Hugo « où toute scène de la vie illustre la pensée ». « Arthur porte jusqu’au point de fusion l’incandescence des mots, la liberté du rythme, l’association des images. Il malmène la langue parce qu’il l’aime ». C’est ce que pense Tesson. Ce jugement, je suis bien incapable de l’approuver ni de le contredire, ma connaissance de l’oeuvre de Rimbaud étant réduite. Il me reste vaguement l’impression d’avoir entendu une petite musique fort belle, un art de la fugue qui peuvent avoir un sens (cf. « Le dormeur du val »). Même si la force des images prédomine.
Ce qui m’a un peu agacé dans « Un été avec Rimbaud », ce sont à la fois la mise en avant que Sylvain Tesson fait de sa personne, sorte de clone vagabond de « l’homme aux semelles de vent », et les petites piques qu’il adresse à la société du début du 21ème siècle et aux notions de modernité et de progrès. A force, il radote.
EXTRAITS
- Définition du génie : savoir avant de voir, connaître avant de goûter, entendre avant d’avoir écouté !
- La poésie, c’est le réel quand il devient surréel.
- Le mouvement procure l’idée et pourvoit aux images.
- La marche, état suprême de poésie.
- Voyager, c’est promener son mal de vivre en croyant le semer !
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